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Conférence Samedi 8 février à 15h :
« Art détox »
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[verso-hebdo]
18-04-2024
La chronique de Pierre Corcos À propos d'une collection d'art brut La chronique de Gérard-Georges Lemaire Chronique d'un bibliomane mélancolique
La chronique de Pierre Corcos |
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Photographies conceptuelles |
Images démunies en anecdotes, en retrait par rapport au culte de l'originalité, typique de l'art moderne, par rapport également à l'esthétisation formalisante, et donc sans valeur marchande immédiate, les photographies « conceptuelles » participent surtout d'une démarche réflexive sur ce medium en tant que vecteur iconique de communication. Elles s'accompagnent de stratégies décourageant le public de s'installer dans l'habitude d'un regard, d'un parcours, d'une catégorisation. Deux photographes, Annika von Hausswolff et Angela Grauerholz, une Suédoise et une Canadienne, illustrent, chacune à sa façon, une démarche conceptuelle parfois absconse.
Le titre de l'exposition de photos (qui s'est, à l'Institut culturel suédois, récemment achevée), Grand Theory Hotel, suscite l'interrogation. L'exposante, Annika von Hausswolff, est passionnée de macrosociologie. Donc les amples questions de société, plutôt que l'actualité immédiate, la grande théorie plutôt que les significations du moment. Or, le capitalisme global et l'inconscient, les structures patriarcales, la criminologie, sur quoi réfléchit la photographe suédoise, s'avèrent beaucoup plus difficiles à appréhender, bien sûr, que, par un reportage, le déplacement d'une rock star ! Sauf si l'on se sert de la photographie autrement... Et ici intervient le mot « Hotel » dans le titre en anglais de l'exposition. Voici comment Annika von Hausswolff le justifie : « Chaque nouvelle exposition peut être vue comme une chambre d'hôtel, en flux constant. Un hôtel relativement inhospitalier avec des escaliers menant nulle part et de nombreuses portes fermées à clé, mais aussi avec de larges corridors, des chambres intimes et érotiques et parfois des panoramas à couper le souffle ». Comme pour la photographe suivante, la démarche que précise cette métaphore consiste à refuser la photographie complaisante, la démarche illustrative, ou même celle qui propose au public un itinéraire, une lecture prévisibles... Par exemple Annika von Hausswolff photographie, en gros plan et sur fond rouge, des bridges, des couronnes en or ; et cela fait référence d'une part à ceux qui, démunis, en sont réduits à vendre leurs dents en or et, d'autre part, à la marchandisation du corps. Titre : An Oral Story of Economics Structures. Avec la série For Sale By Owner, le spectateur se voit parti pour une photographie sociologique... Mais non, visage occulté, stores clos, femme derrière un écran, la photographe s'intéresse aussi à l'impossibilité de voir. Tout comme une autre série encore confére toute son ampleur sociétale au passage de la photographie argentique à la numérique. Bref, la photographie devient lieu de sédimentation, aux formes variées, moment de réflexions critiques.
Les photographies d'Angela Grauerholz qui furent exposées jusqu'à la semaine dernière au Centre culturel canadien frappent par leur somptuosité chromatique et, en même temps, une démarche conceptuelle : « entre drapés, rideaux et chicanes désertés de toute présence humaine » (comme le résume le texte de présentation), l'anecdote, le sensationnel font défaut et, si l'on attend alors un style comme expression d'une subjectivité, au fur et à mesure que cette quarantaine de photographies de grand format et dépourvues de tout cadre se succèdent, alors non, ce style subjectif n'affleure pas.
On songe alors à cette « déceptivité », propre à une bonne part de l'art contemporain, consistant à ne pas répondre à une demande habituelle du consommateur culturel, à s'interdire tout stéréotype dans la relation artistique, à refuser de produire l'oeuvre avec un savoir dedans, une signification que le spectateur aurait à découvrir... Juste un questionnement sur un thème, lequel donne son titre à l'exposition : Écrins Écrans. Ces décors variés, cette architecture intérieure, ces lieux d'attente ou de passage constituent des sortes d'écrins, certes, mais ces lieux protégés ne semblent-ils aussi se protéger de notre regard, comme des écrans ? Qu'est-ce qui fait que, liés à une mémoire collective, ces lieux semblent décevoir une attente de nostalgie, de familiarité, de communication ? Avant de s'installer à Montréal en 1976, Angela Grauerholz a étudié la linguistique à l'Université de Hambourg. Déjouer le système par quoi l'oeuvre fait signe par des référentiels communs entre émetteur et récepteur, voilà une recherche sur la photographie, l'image, où la réflexivité prime sur la communication. Il est intéressant que, dans une autre salle, l'exposition intitulée Privation propose un certain nombre de photos d'ouvrages sur la communication devenus... illisibles ! En effet, cette exposition « documente les archives calcinées de la bibliothèque de l'artiste et marque symboliquement son passage à une technologie numérique » (texte de présentation). En outre, les visiteurs peuvent lire les explications données par Angela Grauerholz, lors d'un dialogue serré avec Catherine Bédard. Subtiles, philosophiques, elles prennent le risque de trop charger les photographies de concepts et stratégies qui bloquent le regard. Mais n'est-ce pas là l'enjeu sans doute élitaire de ce type d'art contemporain ? C'est bien le choix d'Angela Grauerholz assumant qu' « il vaut mieux brouiller les stratégies pour que personne ne soit trop à l'aise et/ou commence à avoir des attentes, à essayer de tout faire entrer dans des catégories ».
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