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Rétrospective Solange Bertrand
Rétrospective Solange Bertrand
par Jean-Luc Chalumeau
Solange Bertrand, Homage à J.S. Bach, 1970.
Une rétrospective de l’oeuvre de Solange Bertrand est organisée au château de Courcelles, à Montigny-lès-Metz, ville natale de l’artiste, du 13 mai au 16 juillet. Ce sont soixante-dix ans de peinture qui sont ainsi traversés : on pourra constater une remarquable fidélité de la grande artiste lorraine à sa manière très personnelle de conjuguer abstraction et figuration.
Devant tout tableau de Solange Bertrand, nous n’avons pas à imaginer ce qui lui manque. Pas plus qu’il ne nous faut reconstituer les bras manquants de la Vénus de Milo pour la considérer avec admiration, nous ne devons ajouter de cheveux à L’Enfant au buste(1957) pour le voir comme une oeuvre achevée. Ce que nous finissons par comprendre, après être entrés dans l’univers de Solange Bertrand, c’est que son monde, parce qu’il est monde possible, est toujours à l’état naissant. Le monde ment qu’il le soit, si impérieusement qu’il affirme sa singularité, n’est pas « fini ». Il est vraiment en gestation et c’est pourquoi, si nous pouvons toujours le nommer par le nom de l’auteur, il nous faut beaucoup d’efforts pour le conceptualiser. C’est que, devant un tableau ou un dessin de Solange Bertrand, nous ne pouvons en général que le « sentir ». Ce que le talent d’expression de cette artiste nous offre serait comparable à une matrice : l’apparaître d’une apparition ne franchissant jamais le seuil de la réalité. Il y a bien pour nous perception : une présence nous retient.
Mais cet objet perçu toujours se dérobe en même temps qu’il se révèle : fugace, instable, insaisissable est par exemple Lucie dans Hommage à Lucie(1975).
Cette absence au coeur de la présence est peut-être le secret de l’attirance que nous éprouvons pour ces oeuvres. Grâce à renouveler ce que l’on appelle l’expérience esthétique, celle qui tend à corriger l’infirmité de la perception en cherchant la coïncidence avec l’oeuvre (on peut « se perdre » en un tableau !). C’est ainsi que nous rassemblons le voyant et le visible. Dès lors, la question de la ressemblance n’est pas bien importante, à moins que nous parlions de la ressemblance au sens de Giacometti, qui disait volontiers que « la ressemblance, c’est ce qui nous fait découvrir un monde possible ». Florence Bertrand est l’artiste qui, sans relâche, aura fait découvrir à des multitudes de regards une infinité de réalités possibles. « Le but de l’artiste est de conduire le spectateur au coeur même d’une réalité qu’il ignore » a-t-elle dit. Au vu de sa rétrospective, il est clair que sa mission est accomplie.
Jean-Luc Chalumeau
mis en ligne le 01/03/2006
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