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Chroniques des lettres
Chronique de l’an V
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N.D.T.
Sur les pas des troubadours en pays d'oc
Ezra Pound
Anatolia
Editions du Rocher
Très tôt (déjà à l’université), Ezra Pound se passionne pour la littérature médiévale. Et, bientôt, il se spécialise dans la littérature provençale, celle des troubadours. Sa propre poésie en est imprégnée. S’il va se détacher de cette influence juvénile, il n’en continue pas moins à traduire et à commenter ces auteurs qu’on redécouvre. Il va participer à cette redécouverte avec la passion qui le caractérise à l’époque. Il commence par voyager dans le Midi de la France, hante les bibliothèques, fait un vrai travail d’archiviste. Il a l’idée de publier son voyage en France sous le titre de Gironde. Mais le projet échoue.

Alors, du périple qu’il accomplit à pied en 1912 dans les paysages des troubadours, il tire ce merveilleux livre intitulé A Walking Tour in the Southern France, intitulé en français Sur les pas des troubadours en pays d’oc qui est complété par une anthologie (qui est aussi un exercice de traduction) qui fait écho à son grande étude, achevée en 1910, L’Esprit des littératures romanes (Christian Bourgois). Cette aventure est d’autant plus passionnante qu’elle s’achève quand Pound compose ses trois premiers Cantos.
Berlin-Moscou, un voyage à pied
Wolfgang Büscher
L'Esprit des péninsules


Le récit de Wolfgang Büscher, Berlin-Moscou, un voyage à pied est passionnant. Ce long périple qui conduit le narrateur à traverser l’Allemagne, la Pologne, la Biélorussie et la Russie est une aventure qui se compose surtout de rencontres insolites et de découvertes étonnantes. Mais ce qui fait tout l’intérêt du voyage, c’est que l’auteur a tenu à mettre en avant les traces d’une histoire récente, d’une histoire embarrassante, cruelle et terrible car, d’une certaine manière, il a refait le chemin des troupes de la Wermacht lors de ses campagnes de 1939 et de 1941.
Notre pèlerin arrive par exemple à Katyn et relate non seulement ce qu’il voit, ce qu’on lui raconte, mais aussi fait le lien avec ce qu’il a pu savoir de cet événement effroyable, l’exécution de milliers d’officiers de l’armée polonaise effectuée par les Soviétiques et mis sur le compte des nazis (on ne prête qu’aux riches, n’est-ce pas ?. Ce n’est là qu’un épisode parmi tant d’autres qui font de ce périple une véritable reconstruction d’un demi-siècle allemand. C’est un livre remarquable d’intelligence et de finesse.
Chroniques des quais
David Wojnarowicz
Editions D”sordres/Laurence Viallet


Avec ses Chroniques des quais, David Wojnarowicz nous offre une fiction tout aussi intense qu’Au bord du gouffre (Le Serpent à Plumes, 2004), mais beaucoup plus délié. Il faut dire qu’il ne s’agit pas ici d’un roman à proprement parler, mais d’une succession de récits qui donne l’impression d’être de courts bouts filmés et qui sont restés inachevés.

Ces histoires se déroulent soit à New York soit à Sans Francisco et ont en commun de relater des épisodes de l’existence du narrateur, de ses amis et des personnages de rencontre. D’une certaine façon, elles rendent compte d’un degré de l’existence, comme si l’auteur s’était retrouvé au fond d’un immense trou de sable (comme dans le roman d’Abe Kobo) et qu’il n’aurait aucun moyen d’en sortir. Il n’en a pas la possibilité, c’est vrai, mais il n’en a pas non plus l’envie. Les petites frappes, les camés et les mauvais garçons rencontrés par Burroughs à Times Square en 1945 ne ressemblent pas aux êtres créés par Wojnarowicz : ils affabulaient, s’inventaient une sorte saga pour échapper à la médiocrité inéluctable de leur vie.

Ceux-là ne cherchent qu’une solution pour arriver jusqu’au lendemain. Comme si rien de fondamental n’existait. Ce ne sont pas des anges déchus, ce sont des fantômes et ce petit monde qui s’agite au fond de l’oeil kaléidoscopique de l’écrivain est décrit dans sa plus stricte nudité. C’est un regard cru et cruel, car il n’attends pas, comme Kerouac, la moindre rédemption au fond de cet Enfer qui a cependant quelque chose de comique et même de franchement drôle même si l’on sait qu’il n’épargnera personne.
Perdido
Velibor Colic
Le Serpent à plumes


Velibor Colic n’est pas un écrivain qui peut laisser indifférent. Il vient à peine de terminer une parodie de biographie de Modigliani (La Vie fantasmagoriquement brève et étrange d’Amedeo Modigliani, Le Serpent à plumes, 2005) où il s’attache plus au mythe de l’artiste italien qu’à la réalité de son existence (mais en faisant le contraire d’André Salmon qui est l’inventeur de ce mythe de pacotille qui a la vie dure).
Aujourd’hui, il propose la biographie d’un musicien de jazz américain, Francis « Web» Webster, disparu en 1973 et qu’il a baptisée Perdido (Le Serprent à plumes). Biographie ne serait d’ailleurs pas le terme juste : il s’est coulé dans le personnage, a épousé sa passion, s’est imaginé sa relation intime, impérative, exigeante avec la musique. Mais l’auteur ne pousse pas les choses au point de s’identifier à son héros. En fait, il passe en permanence de l’«intérieur » à l’extérieur », mais en collant au plus près de ce que peut être cette étrange et puissante possession de tout de le corps et de l’âme entière par des rythmes et des mélodies issus de son Missouri natal.

EN FRANÇAIS DANS LE TEXTE
Histoires nocives
Joyce Mansour
"L'Imaginaire" È Gallimard
On est en droit de s’interroger sur le bilan littéraire du surréalisme français. La réédition d’Histoires nocives de Joyce Mansour (« L’Imaginaire », Gallimard) nous en fournit l’occasion rêvée. Bien peu d’oeuvres semblent subsister. Est-ce parce que nous en sommes ignorants ? Ce récit semble plutôt nous dire que ce mouvement à produit un mode d’écriture poétique qui n’est plus qu’une enfilade d’images baroques et rocambolesques ne suivant plus qu’une trame bien fragile.
Et le kitsch est toujours tapi quelque part, même dans l’ombre : « Le soir, tout le monde dansait au son du sanatorium et le sperme coulait dans les rues ; évidemment tout était arrangé pour attirer les touristes. » Ce genre de phrases pleines de métaphores d’un goût incertain émaille le texte de part en part. De ce conte peuplé de jumeaux hallucinants, une fille de bûcheron qui tue tous les hommes qu’elle rencontre et la nounou noire nommée Jules César il ne reste au fond que l’impression d’un mauvais rêve d’une longueur exténuante, mais pas d’une grande révélation littéraire.
Le Dossier
Meyer-Devembre
Ariel Denis
Editions du Rocher


Dans l’effroyable frénésie papivore de la rentrée littéraire, il n’y pas facile de trouver son bonheur. Alors je mettrai en exergue un roman, Le Dossier Meyer-Devembre d’Ariel Denis (Editions du Rocher). Ce qui est passionnant dans ce livre, c’est la confusion délibérée entre un genre réputé mineur, le roman noir, qui prend ici un aspect parodique, et une construction dérivée du Nouveau Roman (on pense particulièrement au Passage de Milan de Michel Butor).
Là encore, cette récupération d’une manière d’envisager le romanesque est distanciée et traitée avec une relative ironie. Mais ce jeu d’écriture fonctionne et on se passionne pour le faux assassinat du 35 rue de Tournon et pour ses résidents (tous des personnalités intéressantes, y compris le concierge) qui, chacun à leur tout, influe sur une succession déconcertante et absurde (le plus souvent) d’événements fantasmatiques. Ici, peu importe le dénouement de l’intrigue, puisqu’il n’y jamais eu de véritable crime. Seul compte la jouissance du récit, qui est un régal.

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mis en ligne le 28/08/2005
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