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Chroniques des lettres
Chronique de l’an V
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Frans Krajcberg,
la traversée du feu,
Claude Mollard & Pascale Lismonde,
Isthme Editions. L’Art révolté,
Frans Krajcberg, Pascale Lismonde,
“Giboulées”, Gallimard/Jeunesse.
L’autobiographie de Frans Krajcberg, cet homme venu de la Pologne pour se retrouver dans le Montparnasse mythique dont il a pu rêver pendant sa jeunesse (ce n’était pas la création artistique qui était au rendez-vous, mais la guerre). Cette vie exceptionnelle nous est racontée avec simplicité et efficacité par Claude Mollard et Pascale Lismonde. Les journaux de voyage en Amazonie de Pierre Restany ainsi que son « Manifeste du naturalisme intégral », inspiré par les conceptions figurent en appendice de cet ouvrage. Parallèlement, et avec beaucoup d’allant, Pascale Lismonde explique aux jeunes lecteurs la nature et les sous-entendus de l’oeuvre du grand sculpteur. Ce passionné de la nature a voulu établir une parfaite unité de sa vision du monde (qui est d’abord un combat). Cet artiste de Montparnasse a trouvé dans la forêt amazonienne (il la découvre en 1966) la véritable source de son inspiration et de sa révolte contre les hommes qui veulent détruire cet immense espace sauvage. L’art est pour lui une révolte et un moyen de lutter contre la destruction de la nature. Il a convaincu Restany de mener cette grande bataille avec lui. Il décide de vivre à dix mètres de hauteur dans une maison perchée dans un arbre dans l’État de Bahia. Et là, il a produit ces oeuvres étranges qui ont des formes naturelles. C’est là une belle introduction à une démarche passionnante.
Les Écrits d’Yves Klein,
Nicolas Charley,
Transédition


L’excellente étude de Nicolas Charley laisse rêveur : Yves Klein a quitté cette terre en 1962. Quand on lit cet ouvrage qui retrace son parcours avec une grande précision, on a le sentiment d’entendre parler d’un artiste disparu voici une éternité ! L’hagiographe semble investi ici d’une mission sacrée qui consiste à rendre le moindre fait et le moindre geste de l’artiste. Le fil conducteur est ici l’abondante littérature produite par Klein au fil de sa brève et fulgurante carrière. Et, il faut le souligner, ce récit est mené de main de maître avec clarté et discernement. Au fond, Nicolas Charley restitue la démarche de ce créateur dans sa vérité, car tout ce qu’il a entrepris est sous-tendu par une réflexion qu’on a trop tendance à mettre de côté quand on l’aborde. Cette recherche est par conséquent un excellent instrument pour pénétrer les arcanes de l’auteur du Vide, du Plein et des monochromes bleus car elle met l’accent sur les lectures de Klein, de Delacroix à Bachelard, qui exhume le lent et passionnant cheminement de sa pensée esthétique.
A la couleur,
Jan Voss,
Mercure de France


Jan Voss vient de faire paraître un beau livre de souvenirs ou, plus exactement un carnet de bord à travers lequel il a brossé un autoportrait très pudique, puisqu’il parle d’abord de sa démarche créative, de son atelier, de sa relation au monde de l’art (parfois avec beaucoup d’humour et d’ironie). Cet artiste de talent (un artiste abstrait mais résolument en marge des grands courants hégémoniques) se raconte sans jamais faire acte de vanité et d’égotisme. Très bien mis en page, le livre est illustré de quelques photographies et surtout d’aquarelles et de dessins d’un peintre très discret pourtant si talentueux. Ces notes dispersées révèlent une personnalité très riche et passionnante. Nul amateur d’art ne saurait se priver de la lecture de ce petit ouvrage qui nous change des exercices d’auto admiration.
Les instruments du métiers
Le geste et l’expression,
Barbara Pasquinelli,
“Guide des arts”, Hazan.
Rome,
Ada Gabucci,
“Guide des arts”, Hazan
Dans la collection « Guide des arts » (Hazan), deux titres viennent de paraître pour voler au secours de ceux qui veulent trouver les clefs utiles pour pénétrer les arcanes de l’art ancien. Barbara Pasquinelli nous enseigne la gestuelle qui a une fonction symbolique ou tout bonnement expressives dans les tableaux des siècles passés. Les sentiments, les émotions, les affects sont soigneusement examinés dans cet ouvrages, tout comme les formes ritualisées (les « signes efficaces»), la folie ou la mélancolie. Il y est question du vol mystique et des stigmates. Mêmes les gestes obscènes ne sont pas oubliés. Et l’auteur s’attache à l’examen d’une science aujourd’hui tombée dans les oubliettes: la physiognomonie. C’est un travail remarquable : l’auteur examine chaque domaine avec simplicité, cohérence et compétence.
Le Rome d’Ada Gabucci mérite également d’être salué. Ce n’est pas un guide mais un examen thématique des différents aspects de la vie profane et religieuse de la Rome ancienne, de l’organisation de la cité, de son urbanisme, des monuments et de ses formes artistiques, des lieux du culte des morts, etc. Aucun aspect de la vie quotidienne n’a été omis de telle sorte que l’ensemble constitue une petite encyclopédie de la romanité qui permet de rapidement obtenir une information sur un point ou un autre de cette ville compendium d’une civilisation.
N.d.T.
Les Gens de Chuisa,
Andreas Maier, tr. Florence Tenenbaum,
Actes Sud
L’auteur nous entraîne à Chiusa, dans le Tyrol du Sud (une région arrachée à l’Autriche au terme de la Grande Guerre), au bord de l’Isarco (Albrecht Dürer l’a dessiné) plusieurs destin se croisent et vont avoir partie liée. Les personnages de cette fiction sont en fait réunis face à un grave problème: un projet ambitieux de viaduc a dénaturé à jamais le paysage. Et un trafic routier ininterrompu rend la vie des habitants insupportable. Que faire? Certains songent à une solution extrême: faire sauter le pont. Et l’attentat a bien lieu. Mais on en ignore l’auteur. Il entraîne néanmoins des arrestations et des disparitions. L’imbroglio est complet.
Car il n’y a pas que l’affaire qui occupe les esprits. A l’auberge, véritable centre névralgique des marginaux de la petite ville, des figures singulières incarnent différents types. Un véritable festival de figures bizarres et pittoresques. Et c’est là où le bât blesse. Le principe de réalité que met en scène le débat autour du pont (micro-drame de l’écologie moderne) et le principe d’irréalité, si je puis dire, qui se dégage des relations unissant ce petit monde digne du théâtre de l’absurde engendrent une dialectique peu crédible. On a ici l’impression que l’auteur a voulu forcer le trait et cultiver à tout prix le loufoque et l’improbable pour traduire une vision du monde qui, au bout du compte, ne va pas au-delà de cette vallée perdue.

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mis en ligne le 07/06/2006
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