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Note de lecture
Hubert Damisch, L’amour m’expose
(Yves Gevaert éditeur)
Note de lecture : Hubert Damisch, L’amour m’expose - Yves Gevaert éditeur
Rares sont les historiens d’art qui placent comme préalable à la réflexion critique, une interrogation approfondie et toujours reconduite sur le concept même d’histoire dont l’hégémonie caractérise la culture occidentale. Interrogation devant conduire à une définition capable de le renouveler afin de permettre l’évolution nécessaire des pratiques liées à la discipline nommée " histoire de l’art ", sur laquelle s’appuie l’institution muséale.
Empruntant à Paul Valéry l’idée de l’histoire comme géométrie, donc comme déplacement dans un esapace donné, Hubert Damisch a conçu l’exposition Moves (Musée Boijmans Van Beunigem, Rotterdam, 1998) comme un grand échiquier ouvert, métaphore du champ de l’art commun aux œuvres anciennes et modernes qu’il y a disposées, comme autant de pièces du jeu auquel il invite. Détachées des cimaises, éloignées du mur, libérées, le temps de l’exposition, d’une histoire qui a pour but d’opérer leur classement selon une ligne inflexible qui détermine la continuité de l’une à l’autre, les œuvres se sont trouvées placées dans un réseau vivant de relations, quelle que soit la distance de leur situation respective, quel que soit l’écart qui, dans l’espace statique du musée, en commande le partage. Œuvres peintes, œuvres sculptées, constructions… Mondrian, Brüegel, Man Ray, Rembrandt… sont sortis de leur isolement respectif, de leur place assignée par le musée.

En transformant ainsi celui-ci en " terrain de jeu ", Hubert Damisch a montré qu’il est possible de réactiver toute une histoire de la peinture et de la sculpture que l’institution muséale, dans sa conception traditionnelle, fossilise dans un espace clos, qui est essentiellement un " lieu de célébration, de commémoration, de consécration. "
Moves. Déplacement des œuvres dans l’espace pour contraindre le spectateur à se déplacer lui-même, mieux, à " s’exposer ", étant libre de céder à l’attrait que celles-ci exercent sur lui, de se prêter au dialogue auquel elles le convient, ce qui, dans le parcours imposé du musée, lui est ordinairement interdit. Déplacement des œuvres pour pouvoir les saisir dans un temps synchronique, dans l’histoire au présent, la nôtre, " faite de discontinuités (…) et de recoupements imprévisibles " : nouveau modèle d’histoire pour une exposition de nature expérimentale ; nouvelle définition de son concept pour penser l’histoire de l’art, aujourd’hui.
Amélie Pironneau
mis en ligne le 15/10/2002
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