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DVD : Devoir de patrimoine ?
VERSO : DVD : Devoir de patrimoine ?
Pour ceux qui avaient connu la télévision des premières années, la première chaîne en particulier, qui diffusait tant de « bonnes émissions « en noir et blanc, la privatisation de 1987 fit craindre le pire dans plusieurs domaines, notamment celui de la conservation d'un patrimoine audiovisuel irremplaçable. Les temps ont changé, TF 1 poursuit une voie, France Télévisions poursuit une voie. Pour le moment, nous avons un groupe privé et une groupe public, encore propriété de l'ensemble des Français.

Et c'est France Télévision qui, ici, nous intéresse, avec ces deux DVD consacrés à la peinture, art dont l'auteur de ces lignes avoue, humblement, être probablement le moins armé de cette auguste revue pour en parler.

Mais les risques sont moindres ici de se tromper, tant il serait difficile de « faire une critique « sur des peintres tels que Matisse et Picasso (Matisse-Picasso), d'une part, Bruegel, Chardin, Goya, Ingres et Cézanne d'autre part (Portrait d'artiste). Commençons par le Portrait d'Artiste, dont le premier volume que nous avons reçu fait découvrir, ou redécouvrir cinq artistes majeurs.

La tentation serait forte de traiter de tels sujets avec ce que j'appelle un «vague mépris condescendant et didactique », rarement absent de ce type de production. Allons, tout le monde connaît ces peintres, ils sont parmi les plus importants de l'histoire de la peinture, de l'histoire de l'art et, même pour un non-spécialiste de la peinture que je suis, je sais de quoi il s'agit! Et bien il faut ici souligner le remarquable résultat atteint par ce DVD, faire redécouvrir à la fois les artistes et leurs œuvres, d'une manière vivante et intelligente, sans compromis aucun, avec une rigueur de mise en scène appréciable, une qualité d'image qui donne furieusement envie de foncer au Musée, un script tel que l'attention est parfaitement soutenue pendant la vision de chacun de ces cinq chapitres.

C'est teilement bon qu'il ne faut pas, surtout pas, en visionner plus d'un à la fois. J'ai fait cette erreur avec deux peintres à la suite, Goya et Chardin, il m'a fallu revoir l'un et l'autre de ces films, séparément, pour vraiment les apprécier comme ils le méritent.

Autre mérite de ce DVD, qui offre le commentaire en Français ou Anglais, il intéressera autant un enfant de 6 ans qu'un adulte et quel meilleur moyen d'intéresser un enfant à la peinture sauf à l'amener au Musée, quand on peut le faire.

C'est donc avec impatience que j'attends les volumes suivants de cette passionnante série.

Le « Matisse-Picasso » est très différent puisqu'il raconte la rencontre, le lien, la relation entre ces deux monstres de la peinture qui ont chacun, dominé le siècle qui vient de se terminer.

Il y a l'élément directement humain, une amitié faite de respect d'envie mais pas de jalousie, d'admiration sans flagornerie, à la hauteur du talent de ces deux bonshommes si différents et si semblables.

La rencontre de deux mondes, le Nord et le Sud, la révolution apportée, ensemble, à une peinture qui s'encroûtait l'infatigable envie, besoin, passion de créer, toujours, jusqu'à la mort jusqu'au dernier soupir, en remettant sans cesse tout en question, sans jamais se reposer sur un acquis quelconque alors que... et ces deux hommes, aux innombrables femmes, se regardent se surveillent, s'aiment finalement en reconnaissant chacun chez l'autre une part de lui-même, la part qu'il ne peut pas être mais sans laquelle il n'est pas.

Magnifique histoire, à voir et revoir, très beau travail de recherche, images stupéfiantes quand la réalité se surimpose à la peinture, entretiens de très bonne qualité avec les survivants, les enfants, les petits enfants de ces hommes décidément hors du commun. Avant d'aller à l'exposition, voir ce film, il est à la fois intelligent instructif, passionnant et beau.


MK2 ENCORE!

MK2 Vidéo poursuit avec bonheur (pour les spectateurs), le remarquable travail éditorial dont il a été question dans la première livraison de cette chronique. En effet, il ne s'agit pas uniquement, lorsqu'on prétend publier des DVD, ou des livres ou autre chose d'ailleurs, de " copier/ coller " un contenu dans un contenant. Dans le cas du DVD, si c'est pour faire comme la cassette VHS, avec seulement une meilleure image (en diffusion, je ne parle pas de la restauration), pourquoi se fatiguer ?

Le Dictateur,
Charlie Chaplin 1940 version restaurée, 2 DVD dont un bonus.
J'ai parlé de ce film dans le premier article de cette rubrique pour Verso. J'en reparle à dessein parce que MK2 vient d'acquérir les droits de tous les Chaplin pour le monde entier et commence à les rediffuser, à nous les faire redécouvrir, par Le Dictateur qui sort simultanément ou presque en salles et en DVD. On croyait, je croyais, avoir vu ce film, et plusieurs fois. Non. Je l'ai vraiment connu là.

MK2 Vidéo fait un travail d'éditeur, en regroupant des films par rubriques, en offrant, à chaque fois, une navigation très simple et intelligente et quand c'est nécessaire, un bonus de très haut niveau. Il y a dans la division DVD de MK2 la traduction de toute la passion de Marin Karmitz pour le cinéma.

3 FILMS « NEW YORK »

Claire Dolan
Réalisateur: Lodge Kerrigan, 1998
CalLgirl à New York, un métier comme un autre. Puisqu'il y a de la demande, il faut qu'il y ait de l'offre. N'entrons pas dans le débat actuellement monté en épingle par un ministre de l'intérieur visiblement obsédé par la question.

Mais il se trouve que cette call-girl est « macquée » et ce très durement. Elle ne peut pas sortir de cette situation dans laquelle elle doit remettre une énorme partie de ses gains à son protecteur, qui aurait aidé sa mère qui vient de mourir. Je recommande à ceux que " la question" intéresse, la lecture du papier de l'excellent Cavanna dans le Charlie Hebdo du 16 octobre. Il a tout compris, le vieux Cavanna que j'aime.

Katrin Cartlidge, l'actrice principale et remarquable interprète de ce rôle difficile dans ce film vient à 41 ans, de mourir. Il est étrange de réaliser combien un rôle (le seul que je l'ai vue jouer) peut marquer et rendre une personne, qu'on ne connaît bien entendu pas du tout attachante. Il y avait dans ce film et dans l'interprétation qu'elle donne une gamme infinie de sensibilité, d'impressions, de gestes aussi subtils que délicats et forts. Et quand un film vu une seule fois continue de marquer, c'est qu'il estbon, voire même ici très bon.

Sunday,
JonathanNosciter, 1997
Un petit budget pour un film américain tourné à New York, c'est quand même quelques deux millions de dollars, autant d'euros, pas mal de nos vieux sous I C'est minuscule en comparaison du coût des navets produits un peu partout aujourd'hui. Et ce film prouve que l'on peut faire une merveille avec si peu(!) d'argent. C'est une très grande réussite que ce film « off » d'un cinéaste américain, un film qui pose le problème, réel, de la chute sociale, de la marginalisation.

Une phrase me hante: « on peut tomber si bas dans ce pays! ». Un foyer pour SDF, mené à la baguette par un pasteur, dans lequel se côtoient des hommes (pas de femme, bien entendu!) de tous horizons, de toutes races, de tous âges. Du jeune noir qui ment à sa mère au téléphone en lui disant que le bruit qu'elle entend est celui d'amis venus à la maison au vieux Chinois qui, avec son magnétophone et son petit ampli, chante en Chinois des airs célèbres d'opéras italiens, en passant par le héros du film, un ancien comptable fiscaliste de IBM licencié pour cause de « dégraissement ». Il rencontre une actrice au chômage, femme ayant trop vécu, trop vu de choses, trop aimé et trop été blessée. Ils se mentent, savent qu'ils se mentent, vont peut-être trouver, l'un par l'autre, la sortie possible vers le bonheur, la reconstruction, ils vont peut-être y arriver. Que leur manquerait-il?

Très dur, très beau, émouvant. De très belles images sur un New York dont la laideur apparaît enfin!

I am John Polonski's Brother
Raphaël Nadiari 2001
Le Super 8 fut, pour ceux qui sont nés avant 1980, un support de film destiné aux amateurs, essentiellement, dont la qualité physique et chimique était lourdement pénalisée par la très petite taille du support et les difficultés conséquentes du montage. C'est un extraordinaire exemple de médium qui, presque du jour au lendemain, a disparu.

La vidéo a tué le Super 8 et les caméras qui faisaient rêver mon père, comme la Beaulieu, ont vu leur prix (d'occasion) chuter à quelques centaines de francs alors qu'il fallait en débourser plus de 25.000 autrefois.

J'évoque ce support de film parce que, à mon immense surprise, c'est avec lui qu'a été tourné ce film. Le résultat est impressionnant, avec certes un peu de grain, mais qui ne dérange pas. Cela montre surtout qu'il n'est pas toujours nécessaire de filmer en 70 mm et cinémascope, ni même en DV pour qu'un film soit bon. Celui-ci est très bon, un fil d'art et d'essai américain, dont on peut se demander combien il a fait d'entrées aux USA!

Une histoire de famille, un frère qui avait une vie cachée, qui est tué, l'autre frère qui cherche à savoir, à comprendre, à pénétrer un monde auquel, bien que voisin, il est totalement étranger. Une belle histoire d'amour fraternel, un peu désespérante mais la vie n'est-elle pas, si souvent désespérante.


GOOD BYE SOUTH GOODBYE
Série Révélations, MK2 Éditions.

Jeunesse Dorée
Zaida Ghorab-Volta
Deux gamines, dont une vient d'avoir 18 ans (pour cause de permis de conduire) gagnent le concours du meilleur projet de leur cité HLM en banlieue parisienne. Elles partent, dans une très grosse voiture (ancienne certes mais...) faire un tour de France en prenant des photos des immeubles « au milieu de rien ». Le projet est séduisant, l'idée de ce « road movie » est bonne, la réalisation est soignée, le jeu des jeunes acteurs est tout à fait acceptable mais...il subsiste quelques doutes: elles n'ont jamais fumé un joint elles sont toutes deux vierges et croient au grand amour ! En 2000 ? C'est difficile à croire. À part cette petite invraisemblance, ce film est
« joli », dans le vrai sens du terme, avec des belles rencontres, une redécouverte de la France qui est, c'est incontestable, le plus beau pays du monde comme disait mon oncle quand je partais en vacances à l'étranger. Il avait raison le bougre.

Le souffle
Damien Odoul
Pasolini, Godard dans Les Carabiniers, voici les films auquel fait penser ce Souffle. Un noir et blanc (génial!) remarquable, qui écrase les lumières comme il peut le faire, qui fait rêver sur les tronches et les paysages...De telles références donnent une idée de la qualité de ce film, qui reste en tête longtemps après avoir été vu.

Riens du tout
Cédric Klapisch
Il vous est certainement arrivé d'aller un jour au cinéma, sans savoir quel film voir, un Dimanche soir par exemple et de « choisir » le premier film qui éviterait d'attendre. Puis, une fois assis, c'est un film totalement inattendu qui débarque, qui de la première à la dernière image vous prend mais, sans que l'on sache bien pourquoi, ne vous laisse, quelques mois plus tard, qu'un souvenir vague. Plein de détails, des personnages, des scènes, mais pas le nom du réalisateur, pas même le titre du film! Et on a envie de le revoir ce film, on en parle à ceux qu'on aime, parce qu'il vous a marqué et parce que c'était un très bon film qui n'a même pas été repris en « remake » par les studios de Hollywood! Et un jour, recevant un tas de DVD sans leur couverture, des « test pressing » sans étiquettes, dans des boîtiers de CD transparents, on met un film dans le lecteur et c'est le miracle! Dès la première image, c'est LE film vu dix ans auparavant qui revient immédiatement, pas d'erreur possible et quel bonheur!

C'est exactement ce que j'ai ressenti en revoyant, en redécouvrant « riens du tout», un petit chez d'œuvre de Cédric Klapish et j'ai eu le bonheur de le montrer à ceux que j'aime, parce qu'il faut partager le bonheur. Fabuleuse interprétation de Lucchini (bien entendu), et de tous les autres acteurs, déjà une grande maturité, un univers qui rappelle La Samaritaine avant que le grand luxe ne s'en soit emparé pour en faire une vitrine insipide, des histoires qui se croisent, des mondes qui se retrouvent, une merveille. J'avais le souvenir de la cruauté du monde des affaires révélée par ce film au moment où le cynisme osait enfin s'afficher dans « le business », où il n'était plus question que de " bottom line " et où les employés pouvaient, sans la moindre culpabilité, être jetés comme des mouchoirs jetables. Dix ans après la sortie du film en salles, on voit combien tout ceci est encore plus vrai aujourd'hui, puisqu'on truque même les comptes! À voir (ou revoir) absolument, c'est du grand cinéma.


MK2 DÉCOUVERTES: ASIE
The Cure
Kioshi Kurosawa
Un Japon froid, dangereux, terrible. Grand film noir, très noir.

Made in Hong Kong
Fruit Chang
Ce qui reste, dans cette histoire à la fois compliquée et simple, est le contraste entre l'entassement incroyable de Hong Kong, y compris le cimetière, et la campagne, aussi à Hong Kong. Belle histoire, vies terribles.

Masques
Claude Chabrol
Un Philippe Noiret magnifique, comme toujours, une histoire de séquestration terrifiante, un portrait du PAF encore plus impitoyable. Un magnifique Chabrol, comme toujours, dans un coffret de cinq titres qui vaudra, c'est certain, celui déjà publié par MK2 de Chabrol avec Huppert dont nous avons rendu compte.
Guillaume Boisdehoux
mis en ligne le 07/04/2003
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