Les artistes et les expos

Mois de la photo à Paris : la présence italienne
par Jean-Paul Gavard-Perret

Comme tous les deux ans (années impaires) le mois de novembre parisien sera placé sous le signe de la photographie. Parmi les multiples expositions et événements prévus, se détache la forte présence des photographes italiens dont les oeuvres sont présentées par la banque Unicredit sur les conseils du critique Walter Guadagnini. On remarque en particulier l’oeuvre saisissante de Gabriele Basilico sur le thème de Beyrouth en ruines. Basilico est le grand spécialiste des paysages urbains, comme en a témoigné par ailleurs cet été son exposition au nouveau Musée National de Monaco où il mettait au jour les strates de la ville de Monte Carlo. Autour de lui, Mimmo Jodice, Luigi Ghirri, Franco Fontana, Vincenzo Castella et Olivo Barbieri témoignent de la vigueur de l’école italienne de photographie.


Michelangelo Pistoletto au MAMAC
par Jean-Paul Gavard-Perret
(Nice, jusqu’au 4 novembre)

68 oeuvres de Pistoletto, en majeure partie issues de sa collection personnelle, sont présentes au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Nice et permettent de comprendre l’ensemble de sa démarche : autoportraits et tableaux-miroirs des années 60, oeuvres Arte Povera, objets en moins, miroirs découpés des années 70, Signe Art (son dernier concept concrétisé en objets à usage quotidien), de nombreux documents sur les performances des années 80 et sur Cittadellarte, lieu de l’université des idées qu’il a créée à Biella en Italie. L’exposition est donc une synthèse de l’ensemble de son travail depuis l’Autorittrato oro 1960 et Il Presente-Uomo di schiena 1960-61. Et c’est une manière d’apprécier un travail qui a toujours joué et joue encore entre tradition et expérimentation.

Michelangelo Pistoletto nous a appris depuis longtemps deux choses à propos de leur dialectique : elle ne se réduit jamais (du moins chez lui) à la question « comment faire du neuf avec du vieux » et, ensuite, si entre sculpture « classique » et installation le jeu avait toujours existé, il convenait désormais d’ironiser à son sujet. Dans la splendide scénographie que l’artiste italien a inventé pour le Mamac, ses statues reviennent par effet de miroir comme des revenantes et prennent les spectateurs par revers. Son néoclassicisme (terme qu’il refuse, à juste titre) n’est pas le Canada dry des recherches contemporaines. Par la perfection formelle de la patine classique, l’artiste use d’un conformisme tactique paradoxalement beaucoup plus kitsch que celui de Gilbert et George par exemple. Ses « Romains », tout compte fait, ne semblent pas différents – en apparence – de ceux qu’on rencontre au Caesar Palace de Las Vegas.

Il existe pourtant un monde entre ces deux univers. Et chez Pistoletto c’est le leurre du leurre qui est mis en évidence dans une conception subtile. L’art dans sa beauté classique que l’artiste représente n’est plus porteur d’une authentique consolation pas plus qu’il n’est vraiment recevable. La qualité d’ « Hapax » (caractère irremplaçable dont était recouvert la statuaire antique reprise ici) ne fonctionne plus. C’est un cadavre de l’art que Pistoletto expose, c’est lui qui devient le devenir de l’art, l’effet de miroir qui renvoie la matière noble (bronze) à une image. La forme d’immortalité que soutient la statuaire classique est donc bafouée par le « matérialisme athée » (Pistoletto aime se définir ainsi) au profit d’une tombe de l’image en un jeu d’exhumation où l’artiste se moque de ce qui rattache les fidèles de l’art antique à l’unité d’un corps à la fois « bronzé » et mystique, que le travail « figural » de l’artiste n’a cessé de scinder, dans l’exposition de Nice comme ailleurs.

Jean-Paul Gavard-Perret
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