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Dossier Gilles Ghez
Portrait de l’artiste en Œdipe
Dossier Gilles Ghez : Portrait de l’artiste en Œdipe par Hervé Chayette
par Hervé Chayette
Gilles Ghez, La Sphinge et moi, 2004. 31 x 31 x 16 cm. coll. privée.
L’autoportrait envahit aujourd’hui l’oeuvre de Gilles Ghez. Ni celle-là, ni celui-ci n’y gagnent en transparence. Obscur à soi, l’artiste s’exhibe avec insistance pour mieux nous échapper, tentant peut-être se s’échapper à lui-même. Enfermé dans sa vitrine, tel le Saint Sacrement dans son ostensoir ou une putain de Hambourg – exposé à quelle adoration, à quelle (auto-) dérision ? La vitrine fonctionne aussi comme le miroir de Narcisse.

Dans l’oeuvre que j’ai sous les yeux, l’artiste s’est représenté « en grande conversation », comme on dit, avec une statue. Il gesticule, comme un qui argumente avec véhémence, qui proteste, qui ne s’en laisse pas conter. Si je précise que cette statue n’est autre que le Sphinx, on comprendra le caractère on ne peut plus énigmatique de la scène, caractère qui contraste avec la trivialité du décor : un square en ville, un banc public, le tout bien fermé (comme l’aime Ghez, un adorateur du clos) par deux arbres et une grille. Un square comme celui où le héros de La Nausée regarde fixement une écorce, avec les conséquences métaphysiques qu’on connaît.

Le Sphinx, à qui il ne manque que la parole, a dû poser la devinette. Mais je ne crois pas que Ghez, à grands renforts d’effets de manche, soit en train de s’efforcer de la résoudre. On dirait plutôt qu’il engueule le monstre – lequel, soit dit en passant, est plutôt jolie fille, malgré sa queue de lionne et son teint pierreux. Ce serait une manière toute ghézienne de se tirer d’embarras dans la tradition d’une version de la légende où OEdipe ne s’embarrasse point de deviner l’énigme mais embroche tout bonnement la femme-lion d’un coup de lance. Laissons aux disciples de Freud le soin d’apprécier cette manière pénétrante d’aborder le mystère de la femme !

Espace fermé, paroles gelées, nous sommes au coeur du système ghézien : « explosante fixe ». Or n’oublions pas qu’en grec le mot sphinx évoque le geste d’enserrer, la constriction, l’étouffement. On comprend pourquoi Ghez, vissé sur son banc, sanglé dans son complet trois-pièces, encombré de son sempiternel cabas, enfermé dans le square et dans cette vitrine s’agite, se débat, lance des S.O.S. avec ses bras sémaphores: porteurs de signifiant.
Hervé Chayette
mis en ligne le 05/01/2006
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