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Itinéraire d’un été
Itinéraire d’un été par Jean-Luc Chalumeau
par Jean-Luc Chalumeau
Joel Kermarrec, Méditations. (couverture du catalogue)
Joel Kermarrec, Méditations. (couverture du catalogue)

DE NAN GOLDIN À LA CHAPELLE SAINT-LOUIS de la Salpêtrière (« Sœurs, saintes et sybilles ») aux Becher au Centre Pompidou, la rentrée de cet automne aura été forte et photographique à Paris. Ne laissons pas oublier pour autant un été riche en événements de qualité : les Méditations de Joël Kermarrec à l’Abbaye du Mont Saint-Michel par exemple, accompagnées par la musique de Laurent Martin (7 chemins de Joël). Il y avait bien osmose entre les créations respectives du peintre et du musicien, ainsi exprimée par ce dernier : « Dans la première salle, dite « des gros piliers », Joël Kermarrec présente l’installation appelée « L’Homme » qui évoque l’action du temps, les outils et les armes. En écho à ces thèmes, j’ai basé la musique sur un seul geste, « le souffle » et son opposition rythmique d’inspiration et expiration qui se propage dans tous les motifs, du plus violent au plus paisible…».
Solange Galazzo
Solange Galazzo
SUR LES BORDS DE LA LOIRE, en l’église Saint-Étienne de Beaugency, Gérard-Georges Lemaire et Laurence Debecque-Michel avaient invité huit artistes à travailler sur le thème du labyrinthe. Les solutions étaient extrêmement variées : depuis les labyrinthes urbains et lumineux conçus par Solange Galazzo et les méandres surgis du pinceau toujours libre et inventif de Fadia Haddad jusqu’aux corps féminins vus par Sophie Sainrapt comme autant d’énigmes insaisissables, le visiteur avait de quoi musarder et, qui sait, se perdre.
Claude Mollard, Origène à tête de petite sorcière timide avec œil noir. 2004.
Claude Mollard, Origène à tête de petite sorcière timide avec œil noir. 2004.
À SENS, il ne fallait pas manquer les superbes salles du XIIIe siècle du palais Synodal occupées par une rétrospective de Gérard Guyomard, ainsi présentée par la commissaire, Lydwine Saulnier-Pernuit, Conservateur en chef des Musées de Sens : « Une œuvre contemporaine sans concession à des modes. Au delà de l’humour, Gérard Guyomard sait ce qu’il veut, où il veut, où il va, où il nous emmène. Toujours avec chaleur, enthousiasme et volupté. ». Un livre-catalogue a été publié pour l’occasion aux éditions Au même titre : Gérard Guyomard, 40 ans de peinture.
Sophie Sainrapt
Sophie Sainrapt
UNE SURPRISE ATTENDAIT L’AMATEUR à Honfleur en juillet (galerie Le Divan Bleu) : des photographies signées Claude Mollard, que l’on croyait grand serviteur de l’État, quittant de temps à autre la Cour des Comptes pour décentraliser les arts plastiques (les FRAC, c’est lui) ou veiller à l’introduction des arts plastiques à l’école décidée naguère par Jack Lang et Catherine Tasca. Voici donc Claude Mollard artiste, inspiré par les « Visages de la pierre, du bois et du ciel » (c’est le titre de l’exposition, à laquelle participaient également Jean-Claude Osmont et Yann Figeiredo), et proposant des « origènes » qui se nichent partout, qui sont là depuis des millions d’années et qui regardent en silence le monde qui ne les voit pas. Sauf Claude Mollard qui les voit et nous les révèle avec humour et poésie (« Origène à tête de petite sorcière timide avec œil noir »).
Jean-Pierre Giacobazzi, Est-ouest, huile sur toile, 100 x 100, 2000. APRÈS LA MANCHE, LA MEDITERRANÉE: à La Garde dans le Var, Robert Bonaccorsi présentait dans le cadre du complexe culturel Gérard Philipe une rétrospective de l’œuvre de son ami le peintre Jean-Pierre Giacobazzi sous le titre 50 ans de peinture.
Eh oui, cela fait cinquante ans que Giacobazzi peint du côté de Toulon, sans tapage et sans se montrer à Paris, qu’il peint fort bien, et qu’il ne peint pas pour ne rien dire. J’ai indiqué ailleurs que d’excellents artistes ont travaillé dans la mouvance de la Figuration narrative sans que cela se sache et qu’il est temps de corriger de regrettables impasses parisiennes. Robert Bonaccorsi s’y emploie inlassablement, notamment par ses expositions de la Villa Tamaris à La Seyne-sur-Mer où Giacobazzi a souvent montré son travail ou plus exactement, selon l’heureuse formule de Bonaccorsi, son « acte de foi dans la peinture ». Un acte de foi nécessaire « comme réponse aux artefacts consuméristes de la culture médiatique ». Il y a encore une peinture militante en France, et celle de Giacobazzi apparaît comme particulièrement convaincante. Cela va finir par se savoir (un beau livre-catalogue a été édité pour l’occasion chez Bleu Outre-Mers).
Jean-Pierre Giacobazzi, Est-ouest, huile sur toile, 100 x 100, 2000.
Antonio Recalcati, Le nu et le mort, 150 x 150, 1999.
Antonio Recalcati, Le nu et le mort, 150 x 150, 1999.
POUR CEUX QUI SONT ALLÉS EN ITALIE CET ÉTÉ,
une étape s’imposait à Milan pour la somptueuse rétrospective offerte à Antonio Recalcati par la Banque Valtellinese qui a consacré un vaste espace (comparable par ses dimensions à celui du Jeu de Paume à Paris) à des expositions de prestige (Andy Warhol, Anselm Kiefer etc.). Le panorama de l’œuvre peint de Recalcati était impressionnant (il y a aussi l’œuvre sculpté, non moins abondant, mais non présenté à Milan). On y remarquait en particulier des pièces historiques de 1959-1962 prouvant que la Figuration Narrative n’est pas seulement née à Paris, mais aussi à Milan, du fait de Recalcati, artiste visionnaire dont la presse italienne a pris la mesure avec enthousiasme. Le public français a pu se faire une idée, ces temps-ci, de l’importance historique de Recalcati grâce au « one man show » que lui a organisé la Galerie Lucien Schweitzer de Luxembourg lors du Salon Art Paris d’octobre, au Carrousel du Louvre.

PUISQUE NOUS VOICI REVENUS À PARIS, deux expositions à ne pas manquer : Michèle Tajan d’une part, à la Galerie Christine Phal, dont les peintures inspirées par des photographies aériennes et des cartes semblent illustrer une phrase de Gaston Bachelard : « Nous ne sommes pas plus faits pour les tâches lilliputiennes que pour les travaux de géant. La vérité de notre connaissance du réel est toujours en dernier ressort la vérité de nos sens », et Ivan Messac à la galerie Laurent Strouk d’autre part. Messac, qui n’est jamais là où on l’attend, présente « Clic-clac 3D », série de portraits où l’artiste combine des pratiques qui relèvent à première vue de la peinture et de la sculpture. Mais c’est un peu plus subtil que cela : chaque œuvre se présente aussi comme un monochrome complexe. Portraits en relief réalisés à partir de photographies prises par Messac lui-même, ces œuvres ramènent si l’on veut aux « années narratives » du peintre tout comme elles projettent sa démarche en avant, sur des territoires encore inexplorés.
Yvan Messac, Le Roi Soleil, (série Clic-clac 3D) Tajan, Acrylique sur toile, 203 x 148 cm, 2002.
Yvan Messac, Le Roi Soleil,
(série Clic-clac 3D)
Tajan, Acrylique sur toile,
203 x 148 cm, 2002.
Jean-Luc Chalumeau
mis en ligne le 29/10/2004
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