Dossier Jacques Monory

Le plaisir de "zoner l’horreur de couleurs glissantes"
parJean-Luc Chalumeau


Monory est sans doute le premier des artistes de la Figuration narrative étant apparu sur la scène artistique, avant même que le mouvement existe : première exposition personnelle à Paris en 1955, avec déjà l’univers spécifique de l’artiste, symbolisé par le revolver venu des films noirs américains. Monory a d’emblée arrimé son art à l’image, celle du cinéma, de la publicité et des magazines, alors que l’abstraction régnait sans partage : la révolution du pop art ne devait entrer dans le domaine public international qu’en 1964, avec le prix de Rauschenberg à la Biennale de Venise. Cette abstraction sera battue en brêche à Paris la même année grâce à l’événement des " Mythologies quotidiennes ", l’exposition de Gérald Gassiot-Talabot dont Monory était l’une des principales vedettes, avec Arroyo, Télémaque et Rancillac. Puis les séries se sont enchaînées : rappelons les " Meurtres " (1968), la " Jungle de velours " (1969-71), les " Opéras glacés " (1975), les " Ciels " (1978) ou les " Toxiques " (1983)… Jusqu’à l’actuelle " Vie imaginaire de Jung’Eronas Cym n° 3 ". Un personnage revient d’une série à l’autre : Jacques Monory lui-même. Nulle peinture n’est plus distancée par rapport à son sujet, notamment à travers le célèbre filtre de la couleur bleue (" le bleu était un bon truc, je voulais à la fois montrer des choses très dures et m’en protéger "), et nulle peinture n’est plus autobiographique. Monory est un peintre énigmatique, un peintre attachant, un peintre important. C’est aussi un peintre visionnaire, capable d’écrire dès 1983 (à propos de Toxique 26 K) : " encore le plaisir de zoner l’horreur de couleurs glissantes et chatoyantes… "

Jean-Luc Chalumeau
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