Notes de lecture
par Thierry Laurent / Jean-Luc Chalumeau


Le Noir

Gérard-Georges Lemaire,
Hazan

Et si le noir était la lumière ? Tel est le point de vue de Soulages dont les sombres monochromes n’ont d’autre vocation que d’illuminer la toile. Tel est aussi le biais par lequel Gérard-Georges Lemaire entreprend un vaste panégyrique du noir à travers plusieurs sièclesd’histoire. Le noir est d’abord la couleur des mystiques, car la lumière de Dieu étant inaccessible aux humains trop imparfaits, ce n’est que par un long séjour dans une ténébreuse angoisse qu’ils peuvent espérer y accéder. Dans le mythe de la caverne, ce sont aussi des ombres noires que les humains emprisonnés perçoivent: c’est dire que le noir est la couleur de l’illusion, alors que l’idée, dans sa vérité, est lumière. L’art baroque est adepte du noir, notamment avec les caravagesques italiens et les ténebristes espagnols. De tout temps, les grands maîtres de la peinture, Léonard de Vinci, Rembrandt, ou Courbet, ont baigné leur sujet d’un halo crépusculaire. Il ne s’agit pas tant d’exalter le noir que de révéler la lumière par la quête de l’ombre.
Le noir est aussi la couleur vestimentaire de prédilection de l’aristocratie au seizième et dix-septième siècle, puis, plus tard, de la bourgeoisie au dix-neuvième siècle, classes sociales qui ne cesseront l’une et l’autre de s’habiller en noir, symbole de dignité et de domination. Ce qui explique que les portraits d’hommes exécutés par des artistes comme Bellini, Titien, Rosso Fiorentino, et, plus tard, les scènes de la vie parisienne peintes par Manet ou Degas, adoptent le noir comme tonalité dominante. Le noir sera enfin la couleur de la modernité. Rodtchenko oppose son carré noir au carré blanc de Malevitch, et c’est par des monochromes à base de noir que des artistes comme Ad Reinhardt, Franz Kline, Barnett Newman, Robert Motherwell ont su imposer New York comme lieu mythique de l’avant-garde.
Le noir de Gérard-Georges Lemaire, ouvrage d’une étonnante érudition, est servi par une iconographie remarquable : de l’art pariétal à Georges de La Tour, de Rembrandt à Goya, de Whistler à Félicien Rops, de Munch à Matisse, on le constate: les chefs-d’oeuvre sont en noir. Une exception toutefois à cet universalisme du noir : Monet et les artistes impressionnistes pour qui les ombres noires doivent être peintes en bleues. Trahison?
T.L.

Monory

Pascale Le Thorel,
Editions Paris Musées

Pascale Le Thorel sait tout sur Jacques Monory : elle a lu tout ce qui le concerne, l’a longuement interrogé, rencontré ses proches et moins proches. Il lui a confié de précieux documents jalonnant sa carrière… Le résultat est davantage qu’un excellent livre de plus sur Monory: c’est vraiment la synthèse, à la fois scientifique et personnelle, de l’odyssée monoryenne (il y a même un marque-page monoryen !). Les admirateurs de Monory sont innombrables: ils vont être comblés par cette heureuse initiative éditoriale que le Centre National des Arts Plastiques a eu bien raison d’encourager.
J.-L. C.

Thierry Laurent / Jean-Luc Chalumeau
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