Exposition de Ramsà
Décalage horaire

du 7 janvier au 19 février 2006
GALERIE MUNICIPALE DE VITRY-SUR-SEINE
59,avenue Guy-Môquet, Vitry-sur-Seine (94400)
01.46.82.83.22 /83.03
du mardi au dimanche de 14h à 19h

Décalage horaire. Tel est le titre de l’exposition de Ramsà présentée à la Galerie municipale de Vitry-sur-Seine du 7 janvier au 19 février 2006.

Décalage horaire. Tout un programme. On pense voyage, dépaysement, sommeil en retard. Ramsà. Le nom de l’artiste lui aussi invite à la rêverie, l’évasion. On imagine volontiers d’autres contrées, d’autres tropiques. Chaleur, couleurs, sensualité, musique envoûtante, rondeur, générosité. Ce nom créé de toute pièce par l’artiste au demeurant bien française, contient à mon sens tout cela, mais il s’est révélé signifier en arabe la main de Fatma, " la main de Dieu qui protège ". Présente sur la scène nationale et internationale depuis une vingtaine d‘années, Ramsà pratique essentiellement depuis 1999 la vidéo, mais choisit le médium en fonction de son propos. Elle montre ici un ensemble de pièces récentes et plus anciennes : vidéos, photos, installations et une pièce sonore écrite et dite par elle-même.


Décalage horaire. Certes à l’origine il y a bien voyage puisque ces images arrachées au réel puisent leur inspiration dans des séjours au Portugal et au Brésil. Mais finalement l’artiste nous convie à un tout autre type de dépaysement. Par sa manière de ménager le mystère, de brouiller les pistes. Que nous donne-t-elle à voir ? Le sujet reste volontairement énigmatique, l’accrochage ajoute à l’impression d’ensemble. On est perdu. Et c’est tant mieux.

Peut-être tout d’abord identifier les protagonistes pour espérer capter le sujet ou les sujets. Qu’est-ce que ce corps morcelé, en vrac, échoué sur une plage, qui rit jaune ou plutôt voit rouge. Ces quelques phalanges pudiques, un instant dévoilées. Les lits et leurs accessoires qui exhibent leur imprimé reproduisant la cartographie intime d’une main, version froide-mort, version chair fraîche emballée à l’étalage. De quoi en perdre son latin. Et si les protagonistes étaient des d’objets. Des objets filmés, photographiés, mis en scène jusqu’à la fiction ou extraits de leur réalité, une réalité insolite, déconcertante, irréelle.

L’identification du sujet est compliquée par le choix délibéré de Ramsà pour une définition numérique de l’image, elle-même retravaillée et saturée parfois jusqu’à l’écœurement. L’image produite dérange alors par la sensation d’attirance/répulsion qu’elle suscite. Mais qu’est-ce qui irrite en réalité ? Le fait d’être perdu, la non-correspondance des images avec nos implicites attentes esthétiques ? A moins que ce ne soit finalement le fait d’entrevoir le véritable sujet. Le corps. Le corps dans son rapport social et religieux, le corps sexué, le corps malade, le corps amoureux et éconduit.

Décalage horaire. Ou plutôt Décalage corporel. Nous voyons mais nous ne sommes pas sûr de ce que nous voyons. Nous sommes dans une situation d’inconfort et de doute. Comment faire la part des choses entre ce qui est vrai et ce qui est factice ? Car l’originalité de l’artiste – est-ce par pudeur ? pas sûr – consiste à rarement nous montrer le corps, en chair et en os, préférant semble-t-il vouer un véritable culte à ses leurres, ses substituts, ses ersatz, et autres " produits dérivés ".

Tantôt espiègle, malicieuse, un tantinet provoc, mais souvent sensible et drôle, Ramsà capte avec dérision et humour les incongruités de la vie, les fausses pudeurs, les tabous récalcitrants pour mieux s’en jouer . Ici il n’est plus directement question de jeu, mais d’artifices, pas pour occulter la réalité, mais pour l’évoquer de façon décalée voire débridée, plus légère. Les bandes sonores des vidéos réalisées par François Marie Manac’h renforcent le processus de démystification et de désacralisation.

L’artiste prend ainsi ses distances avec le réel pour mieux nous y ramener, nous parler à nous-mêmes tout en laissant entrevoir des émotions plus personnelles. Attendez-vous donc à un drôle de voyage, avec de drôles de sensations. Mi-figue, mi-raisin. Parfois drôles, parfois inquiétantes. Méfiez-vous surtout des ex-voto : ils vous vaudront cinq pater et cinq avé !

N. B. : Maintien des horaires habituels d’ouverture pendant l’exposition de Ramsà !



Corinne Buchon
Corinne Buchon est commissaire d’expositions. Elle a dirigé pendant six ans la galerie municipale d’art contemporain du centre culturel de Cesson-Sévigné (Rennes, 35). Elle vit et travaille actuellement à Paris.

© visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé -