Ghislaine Vapperea
" si peu reconnaissable "
Du 20-03-2004 au 20-06-2004
(Dialogue entre Claire Nédellec et Ghislaine Vappereau)



C.N : Comment l’exposition " si peu reconnaissable" a-t-elle été composée ?
G.V : Son titre est un raccourci d’une formule que j’avais rédigée pour la série "des mines de rien". Une série de sculptures et de céramiques dont certaines sont présentées dans l’exposition, et qui a trouvé sa genèse dans la forme racornie d’un fruit desséché -une mandarine, "si peu reconnaissable et déjà matériau". Cette formule est symptomatique de l’ensemble de ma démarche et finalement a donné le titre à un ensemble de pièces en tissus, bois, plâtre latex présentées dans l’exposition et dans le spectacle. (1)
La forme initiale reprend la forme de bas-relief réalisé en 1989. Et comme l’exposition présente des pièces anciennes qui sont aussi à l’origine du travail actuel, Ce titre "si peu reconnaissable" exprime l’imbrication des pièces les unes par rapport aux autres et l’esprit qui anime le travail.

C.N : À la fin des années 80 la question de la sculpture que tu envisageais dans ta production faisait souvent référence au bas-relief, à la couleur et à un espace liée au réel (la cuisine). Qu’en est-il aujourd’hui ?
G.V : L’origine des installations de cuisine est une vieille casserole percée et sans nom qui a créé une vacance dans la pensée. Comment penser un objet sans nom et sans fonction ? Les installations de cuisine ont découlé de cette vacance, comment exister au-delà de la perte, de la déchéance dans un état de latence. Les installations de cuisine composées d’objets et de mobiliers usagers défectueux déployaient l’artifice d’une mise en scène et paradoxalement participaient d’une forme d’abstraction.
Les séries de bas-reliefs ont ensuite méthodiquement analysé cette négociation avec le réel en analysant les moyens de basculer de la vision à la compréhension, du plan à l’espace, des deux aux trois dimensions puisque l’espace se voit à deux dimensions et se comprend à trois dimensions. Des partis pris plastiques ont traversé le réel considéré, la cuisine, en traitant de la perspective, de la couleur, du point de vue... de l’ombre comme une manifestation de la profondeur, jusqu’aux sculptures.
Dans cette négociation avec le réel, cette exposition retraverse des formes qui cherchaient le point ultime d’identification dans la mémoire, des gestes de sculptures dissimulés dans le désordre de l’installation.

C.N : Olivier Grasser a provoqué une rencontre avec Marceline Lartigue, chorégraphe... Qu’en est-il de cette rencontre et qu’a-t-elle favorisé ?
G.V : L’occasion d’une collaboration, d’interroger son travail au travers d’une autre pratique, d’interrompre la solitude de l’atelier, la satisfaction d’une création commune. Et aussi, d’avoir donné aux sculptures la mobilité, et l’intensité du caractère éphémère qui est une vraie violence dans les arts du spectacle. C’est une façon d’accepter le passage d’un état à un autre, la transition d’une forme à l’autre, et donc de briser la forme pérenne de la sculpture pour introduire dans la forme même sa propre déchéance.

C.N : Quels sont tes futurs projets ?
G.V : Je suis encore trop absorbée par cette exposition pour me projeter dans l’avenir.

C.N : En tant qu’enseignante de la Faculté d’arts plastiques d’Amiens, quelles réflexions en tant qu’artiste peux-tu approfondir de manière singulière avec les étudiants ?
G.V : Je n’ai jamais fait de liens manifestes entre mon travail artistique et mon travail d’enseignante. L’art ne s’enseigne pas, il s’exemplifie. Au mieux, je peux souhaiter être un repère pour mes étudiants vis-à-vis duquel ils se positionneront pour, contre ou dans l’indifférence.

Propos recueillis à Paris, avril 04
( (1) création chorégraphique. : le dixième de novembre 1619 Marceline Lartigue & Ghislaine Vappereau présentée le jour du vernissage.


Maison de la Culture
Place Léon Gontier, AMIENS (80 000)
tél : 03 22 97 79 79

Claire Nédellec & Ghislaine Vappereau
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