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[verso-hebdo]
01-05-2014
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Les Instants éclairs, Jacqueline Risset, « L'Infini », Gallimard, 190 p., 16,90 euro.

Tout un chacun connaît Jacqueline Risset poétesse raffinée, traductrice et biographe de Dante, érudite, auteur d'essais brillants comme celui sur Louise Labé. Aujourd'hui, nous découvrons l'écrivain et un écrivain qui a livré un des plus beau livre de cette période. Cet ouvrage n'est ni un roman, ni un essai, et tient un peu des deux. Il a une forte connotation autobiographique, mais les épisodes de sa vie qu'elle rapporte ne servent qu'à soutenir une « démonstration ». Elle s'efforce en effet de définir ce que sont des moments décisifs que sont les coups de foudre, ce qu'elle appelle les « éclairs », qui vont au-delà de la clause amoureuse. Ce qui l'amène à réintroduire le rêve dans le flux de l'existence. La première partie de ce livre a lui seul est une merveille qui aurait pu être publiée telle quelle. C'est une méditation sur ce que le rêve se révèle être, poursuivant une quête qui se rapproche de celle de Franz Kafka (qu'elle cite d'ailleurs plus loin). Dans cette pensée à voix haute, elle en vient à aborder bien des sphères de l'imaginaire mais aussi de la réalité du langage. Ce qu'elle a fait avec les pronoms personnels est remarquable. Ces pages sont écrites avec une poésie, une finesse, une richesse qui forcent l'admiration. Jacqueline Risset a écrit sur un ton mineur une oeuvre majeure car elle peut devenir un livre de chevet, comme Montaigne, dans un registre bien différent. Il y a d'ailleurs un point commun avec l'auteur des Essais : une liberté absolue dans une réflexion qui semble ne plus devoir s'achever. Il y a, je l'insiste, une grande beauté, mais aussi une grande profondeur. Le rêve, l'amour, le sentiment de l'autre, la relation au monde qui est le nôtre et, enfin, l'écriture sont traités de telle sorte que le sujet engendre sans cesse de nouvelles interrogations. Et nous découvrons enfin quelque chose sur cet auteur si discret, comme si elle se livrait, avec pudeur et modestie dans sa vérité.




Miroir du monde, l'invention du tableau au XVIe siècle dans les Pays-Bas, Hans Belting, Hazan, 256 p., 45 euro.

La question que pose Hans Belting dans ce livre est tellement simple, tellement évidente, qu'on ne se la pose plus. Mais elle est plus que pertinente. Comment le tableau fait-il son apparition dans la culture européenne ? Il tente de résoudre le problème par l'étymologie, par le langage en général. Le résultat est décevant. Par l'histoire, là il trouve des précédents dans les petites peintures portatives de cour ou dans des retables. Moi, je crois que je serais remonter plus loin dans le temps et que j'aurais exploré la littérature gréco-latine pour savoir si les hommes de la Renaissance du Nord de notre continent connaissaient les textes grecs ou latins qui parlaient de la peinture et quelles idées ils se faisaient alors de l'art pictural des Anciens. La réponse se trouve sans doute là. Quoi qu'il en soit, il établir un lien très fort avec la naissance du portrait avec Van Eyck, qui impose définitivement la forme canonique du portrait. Si je ne partage pas toutes les opinions avancées par Belting, je crois que sa méthode permet au lecteur de comprendre que ce nouveau mode d'envisager la peinture n'est pas sorti du néant par enchantement. Je lui fait un seul reproche prendre pour seule référence pour la construction du tableau des travaux d'Alberti, qui était architecte et de ne pas plutôt se référer à Piero della Francesca. Son travail mérite d'être salué car il est indispensable de repartir de problèmes simples pour comprendre de quelle façon l'art a pu évoluer dans notre civilisation. Et sa méthode de travail nous fait faire des découvertes fabuleuse tout en nous enseignant à réfléchir d'une autre façon.




Les Grands bois, Adalbert Stifter, traduit de l'allemand (Autriche) et préfacé par Henri Thomas, « L'imaginaire », Gallimard, 168 p., 6,20 euro.

Nous avons convenu que le romantisme allemand commence avec Novalis et Hölderlin. Pour moi, il a confusion sur le terme. Il commencerait à mes yeux avec Adalbert Stifter (1805-1868). Les Grands bois le prouvent amplement. La Nature prend une place de premier plan et l'intrigue passe à l'arrière-plan. Ce livre est d'abord l'apologie du spectacle que le monde nous offre dans cette région boisée de Bohème. La première partie est une peinture de paysage. La seconde est un périple dans ces forêts profondes. L'histoire n'arrive qu'à mi-chemin de l'ouvrage. Et nous sommes loin de l'émerveillement béat de Rousseau devant un brin d'herbe. Nous voici devant une force qui se révèle chez lui bienveillante et qu'il sait brosser dans une vision qui transporte les sens et l'esprit. Stifter ne chercher ni à frapper ni à ramener les choses à son rapport idiosyncrasique avec des manies de botanistes (il a d'ailleurs pratiqué le dessin et la peinture dans sa jeunesse). C'est n'est pas non plus le culte de l'Heimat. C'est une union heureuse avec les règnes minéraux et végétaux qui composent notre planète et influent sur notre expérience. Dans sa belle préface, Henri Thomas nous fourni des pistes pour comprendre que l'auteur est plus un descendant spirituel de Goethe qu'un émule de ce qu'on a pu appeler le romantisme allemand.




Camille Claudel et Rodin, Antoinette Le Normand-Romain, Hermann/musée Rodin, « Tout l'oeuvre », 128 p., 19 euro.

Le maître et l'élève, la jeune maîtresse et le vieil artiste célèbre. Fort heureusement, cette histoire là (qui n'est pas dépourvue d'intérêt, mais dont on a trop parlé au détriment de l'oeuvre) nous est relativement épargnée. Nous avons ici une confrontation tout à fait passionnante entre les deux créateurs. Elle met en évidence les deux facettes de la démarche de Camille Claudel. La première est sage, posée, d'un réalisme atténuée par un rien de néoclassicisme. Elle fait d'ailleurs preuve d'une belle maîtrise dans ce genre. Mais ce qui devient passionnant, c'est lorsqu'elle se rapproche, dans sa sculpture, de ce qu'a pu accomplir Rodin de plus audacieux. J'en prends pour exemple le buste qu'elle a réalisé de ce dernier en 1882. Ce bronze le décrit sans complaisance, accentuant son âge, accentuant les traces du temps sur son visage. Il y a là une vraie passion qui consiste à aimer sans réserve et de voir sans réserves, même avec excès. La Valse de 1905 est quelque chose qui va au-delà des visions les plus hardies de Rodin : c'est une oeuvre qui change une danse de salon en un acte érotique. En 1893, le plâtre de Clotho (la version en marbre réalisée grâce au soutien de Puvis de Chavannes a disparu) est déjà d'une nature emportée et tragique, la Parque se débattant avec des filets au-dessus de sa tête, comme si elle était prise à son propre piège. Cette confrontation permet de comprendre la démarche de Camille Claudel, au-delà de la légende construite autour d'elle. Elle n'a pas dépassé son maître - elle n'en a pas eu le temps. Mais elle a poussé parfois les choses plus loin qu'il n'a pu le faire. Et cela est évident dans quelques unes de ses productions les plus saisissantes.




Trois mille ans chez les microbes, Mark Twain, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Waldberg, « Minos », Editions de la Différence, 190 p., 10 euro.

Le célèbre auteur de Tom Sawyer et d'Hunckleberry Finn a écrit cinq ans avant sa disparition un livre très curieux, qui va au-delà de la tradition de l'utopie. Il imagine l'existence d'un être microscopique, virus, bacille ou microbe, qui dépeint son univers. Cela n'est pas sans rappeler Jonathan Swift et les voyages de Gulliver, mais il ne nous donne pas une vision de la société américaine de son temps. Il construit un monde ne soi, qui a ses lois, à commencer par une temporalité tout à fait différente de la nôtre (la vie de ces êtres se compte en milliers d'années). Il ne perd pas sa verve pamphlétaire et montre que cet autre univers a sa hiérarchie, son économie bizarre, ses injustices, ses limites. Mais il le fait avec une telle invention qu'on est d'abord emporté par les aventures de son minuscule héros qui cherche une vérité dans ce cosmos miniature. Le livre est écrit avec humour et esprit, avec des trouvailles littéraires, comme les innombrables notes en bas de page orientant le lecteur vers d'autres horizons. Il engendre une joie de lecture qui ne se dément pas d'un bout à l'autre de l'ouvrage et donne à méditer sur notre macrocosme qui n'est pas moins grotesque et délirant que celui qu'il nous fait découvrir.




Lemaître, une vie lettriste, Frédéric Acquaviva, « Les irréguliers », Editions de la Différence, 200 p., 45 euro.

Dans le domaine littéraire, comme dans le domaine artistique, le lettrisme a toujours été considéré comme étant marginal. Il est vrai que la lettre avait déjà fait son apparition dans les oeuvres plastiques américaines, d'abord avec Tobey. Puis elles ont envahi le champ de Cobra avec des artistes comme Dotremont, Aleschinsky, et celui de l'art abstrait de Cy Twombly à Jean Degottex en passant par Brion Gysin. La personnalité de Maurice Lemaître de ses acolytes, à commencer par l'inénarrable Isidore Issou, graphomane devant l'éternel comme son maître, n'a pas aidé à rendre populaire ce mouvement. Et les oeuvres produites non plus. Mais quand on parcourt cet ouvrage, on en arrive à admettre certaines qualités aux tableaux hypergraphiques. Sans doute peut-on rire devant ses petits bonshommes pictographiques des années cinquante et de ses poèmes des années soixante. C'est souvent un art trop schématique dans sa conception. Mais d'autres ouvrages ultérieurs sont plus satisfaisants et pour l'oeil et pour l'esprit. En somme, avec sa belle énergie, Frédéric Acquaviva est parvenu à réaliser l'impossible : faire sortir le lettrisme de l'Enfer de l'art moderne et lui redonner un peu de crédibilité. Mais à l'impossible nul n'est tenu !




Le Bouclier d'Alexandre, Agnès Verlet, Editions de la Différence, 288 p., 20 euro.

Curieux roman que celui d'Agnès Verlet, qui est rédigé comme une autobiographie. C'est d'abord l'histoire d'une fratrie. Dans cette famille nombreuse, les enfants ne sont pas désignés par leurs prénoms, mais par des numéros. La narratrice nous raconte l'histoire d'un petit garçon qui, pendant l'Occupation, est venu rompre la stricte hiérarchie des âges et de cet ordre parmi les enfants. Un certain Paul entre dans ce petit monde. Il y devient le Cinquième. Il ne ressemble en rien aux autres. On apprend, au fil du récit, qu'il s'agit d'un enfant juif, qui s'appelait Tannenbaum, dont les parents, d'origine roumaine, avaient été déportés et n'étaient jamais revenus. Au fond, l'histoire est simple. Mais l'auteur a su avec talent recomposer, comme un puzzle qu'on complète avec impatience, l'histoire de ce noyau familial, de sa destinée en ces temps troublés et après la Libération. C'est curieux : on finit par se passionner pour tous ces enfants et encore plus pour la narratrice parce qu'on a envie qu'elle pose la dernière pièce de ce puzzle et lui donne sa configuration définitive. C'est un beau roman familial, freudien en diable, sans doute, mais où prime malgré tout cette question du « corps étranger », qui ne rompt jamais la chaîne des générations, mais pose de nombreuses questions au groupe.
Gérard-Georges Lemaire
01-05-2014
 
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