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[verso-hebdo]
13-02-2014
La chronique
de Pierre Corcos
Un fantastique contemporain
Lorsqu'une catégorie esthétique est rarement illustrée dans certains arts, tandis qu'on la réfère le plus souvent à un passé où elle connut son heure de gloire, on a du mal à la reconnaître quand elle nous revient, avec de nouvelles techniques, modernisée, adaptée aux codes et thèmes de notre époque. Ainsi du fantastique et de la photographie...
Le fantastique nous fait entrer dans un monde autre. Ou plus exactement il manifeste l'entrée du surnaturel dans le monde naturel, par effraction (à la différence du merveilleux, où cette entrée glisse dans une continuité euphorique). Soit un contexte banal, normal : quelque chose d'incompréhensible, et souvent de maléfique, se produit, créant et laissant un doute anxieux et durable sur l'assise de nos représentations rationnelles. L'excellent récit de Prosper Mérimée, La Vénus d'Ille, est un modèle du genre. Dans la peinture fantastique (cf. Le Cauchemar de Johann Heinrich Füssli), ces deux plans, naturel/surnaturel, se perçoivent nettement, avec une prédominance de la surnature. Mais, autre caractéristique du fantastique, cette altérité de la surnature nous parle aussi, mais de façon détournée, de notre monde naturel, signifiant quelque chose de ses monstrueux dangers. Elle métaphorise également les enfers intérieurs de l'homme. Pensons aux Caprices de Goya ou aux nombreuses et différentes Tentations de Saint Antoine dans l'histoire de la peinture.

David Lynch, surtout connu comme un grand cinéaste, mais également découvert comme artiste plasticien complet (grande rétrospective à la Fondation Cartier, souvenons-nous, en 2007), musicien, designer, et aujourd'hui confirmé dans son curieux talent de photographe (présente exposition à la Maison Européenne de la Photographie, jusqu'au 16 mars), visite avec une inspiration féconde et renouvelée le fantastique. Voici un ensemble cohérent d'une quarantaine de photographies en noir et blanc de format 80 x 90 cm, tirages gélatino-argentiques sur papier baryté. Certaines surgissant de murs à dessein rougis, comme d'un rideau de théâtre quelques funestes cauchemars... On doit remercier les trois commissaires d'exposition (Jean-Luc Monterosso, Patrice Forest, Pierre Passebon) d'avoir organisé cet univers fantastique, intitulé Small stories, en quatre thèmes : intérieurs, fenêtres, têtes et natures mortes. Il est pertinent ici de mettre en valeur par une classification les thèmes obsédants, comme les hantises de ces mauvais rêves... En effet, on se rend ainsi mieux compte que dans ces intérieurs il y a des choses qui n'ont vraiment rien à faire, que les fenêtres ressemblent à des vitrines pour Curiosa, que les têtes sont dénuées d'yeux donc d'humanité, et que les « still life » (natures mortes) semblent marquées d'une menace sourde.
« Les images fixes peuvent raconter des histoires, les images fixes racontent de petites histoires », énonce d'entrée de jeu David Lynch. Il est vrai que cet ensemble de photographies fonctionne un peu comme le Thematic Apperception Test d'Henry Murray, dans lequel des images énigmatiques, polysémiques, à partir desquelles on demande à la personne testée de produire une histoire, révèleront nos tendances inconscientes par « projection ». Sauf qu'ici, les petites histoires produites ne trahiraient que nos tendances perverses, destructrices, mortifères... Mais, si l'on s'en tient juste à ce qui est présenté, sans interprétation ni petites histoires, on découvre qu'en bon artiste fantastique de notre temps, Lynch a manipulé ses photos avec un bon logiciel de retouche, floutant telle zone, générant ici des superpositions et là des changements d'échelle. On voit également qu'il s'est débrouillé, avec malice, pour nous... embrouiller, surtout dans la reconnaissance de bien des « choses » données à voir. Certaines photographies font penser, par des figures spectrales dans des halos de lumière, à la supposée captation sur plaque sensible des fantômes, des revenants, une activité qui fit florès au début du XXème siècle, notamment en Écosse. D'autres oeuvres présentées montrent les figures d'argile ou les poupées de chiffon percées d'épingles, de clous, évoquant les rites envoûtants du vaudou. Menaces funestes du surnaturel. Encore le fantastique.

A la fin de l'exposition, on se prend à penser que le fantastique n'a pas que le cinéma ou la littérature de genre comme supports actuels d'expression. Pour exacerber sa puissance, il convient qu'il délaisse parfois le genre et ses figures obligées, et surgisse dans un art où on l'attend peu (la photographie), où on ne le reconnaît pas spontanément.
Alors, par son inquiétante effraction, il sera d'autant plus fidèle à sa nature foncière.
Pierre Corcos
13-02-2014
 
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Verso n°136

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Christophe Cartier

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