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[verso-hebdo]
22-05-2014
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

André Fougeron, La Piscine/Éditions Gourcuff Gradenigo, 239 p., 34 euro.

Cette exposition était attendue depuis longtemps et personne ne sera surpris que ce soit La Piscine de Roubaix, en la personne de Bruno Gaudichon, qui ait eu le courage de la préparer et de la montrer. André Fougeron (1913-1998) est un peu le mouton noir de la peinture française de l'après-guerre. Il a incarné une transposition française du concept de réalisme socialiste défendue par l'URSS de Staline. Alors que l'abstraction triomphait à Paris, la figuration devenait, après la Libération, une parente pauvre de la peinture, malgré Bernard Buffet, Jean Hélion et Balthus. Louis Aragon évoque ces problèmes dans sa remarquable étude sur Courbet. En conclusion de ce livre, il fait le point sur la situation de l'époque, en 1952 quand sort son livre au Cercle d'Art. Lui qui a défendu le réalisme socialiste, sans grand enthousiasme, met dans un fléau de la balance Fougeron et, dans l'autre, Picasso. Un an plus tard, éclate l'affaire Picasso avec la publication du portrait de Staline dessiné par ce dernier en première page des Lettres françaises. Fougeron organise la cabale contre l'artiste espagnol et Aragon tranche brutalement en faveur de Picasso. La carrière de l'auteur de la Matinée d'une ménagère en sera brisée. Ce que montre cette exposition et l'essai (parfois discutable) de Sarah Wilson, c'est qu'il a été un peintre de valeur, qui a ouvert la voie à la figuration narrative, dont les représentants se sont bien gardés de le revendiquer ! Et pourtant, ses Parisiennes au marché, la série du « Pays des mines » exécutée pendant la guerre, La Civilisation atlantique sont autant d'oeuvres qui sont intéressantes et qui ne peuvent être effacées de l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle. Et ses méditations plastiques très élaborées sur Courbet méritent le respect. Ce livre, après le catalogue de Bernard Ceysson, est la seule source pour vraiment connaître la vie et l'oeuvre ce peintre, qui a été le précurseur d'une « école » et, malgré ses errances momentanées (par exemple, ses mauvaises oeuvres de propagande), a maintenu une idée originale du réalisme.




La Beauté du corps dans l'Antiquité grecque, Fondation Pierre Gianadda, Martigny (Suisse), 388 p.
Voici une exposition et un livre qui auraient ravi Winckelmann ! En effet, tout commence par la perfection du corps masculin, que peut exprimer le célèbre Discobole et la représentation des dieux et des héros, même des simples mortels, comme le prouve une stèle funéraire. Les canons de cette beauté ont varié selon les siècles et les cités. Mais ils s'appliquent dans cette culture comme un idéal à poursuivre. Quant au corps de la femme, il en est de même, dans un autre registre, mais dans une esthétique identique. La plus intéressante à mon sens est la section dédiée aux dieux, car rien, vraiment rien, ne les distingue, dans les principes de la représentation physique, des hommes. C'était l'histoire qui s'attachait à eux, c'était leurs attributs et leurs pouvoirs qui engendraient, à eux seuls, cette différence. Il est intéressant de noter que les héros, qui se situent à mi-chemin entre la sphère divine et la sphère mortelle, sont des figures relatives, possédant une puissance souvent de nature divine, mais ayant aussi des limites et des faiblesses, qui expriment la beauté dans son idéal, quelle que soit la nature de leurs actions. La statuaire grecque les rend beaux aussi bien dans le bien que dans le mal. Héraclès, qui accomplit tous ces travaux inhumains, est un prototype de beauté. Rien ne distingue, surtout dans la statuaire, les dieux, les héros et les hommes : ils sont tous à la dimension humaine et tous dotés d'une beauté qui est un idéal absolu dans leur civilisation, qui n'est comparable dans aucune autre culture avant et après elle. Rome aura cette tendance, mais seulement jusqu'à un certain point, car le réalisme l'emporte sur l'idéalisme. Ce catalogue nous offre une grande page de l'histoire européenne, qui est celle de son plus haut sommet artistique, mais aussi de ses démons les plus inquiétants.




Pages inespérées, Julio Cortàzar, édition d'Aurora Bernadez, préfacé et traduit par de l'espagnol (Argentine) par Sylvie Protin, Gallimard, 140 p., 13,50 euro.

Voici des nouvelles de tailles et d'époques différentes, plus ou moins achevées, plus ou moins abouties. Ce qui est vraiment intéressant dans ce qui ne pourrait passer pour de tristes fonds de tiroir, c'est de pouvoir comprendre comment travaillait Julio Cortàzar. Dans la série des « récits », j'ai été frappé par l'idée que l'auteur se laissait conduire par une songerie ou même un rêve, aussi absurde semblait-il. Il suffit de lire « Manuscrit trouvé près d'une main » pour en prendre la mesure. Dans les « rêves », il semble évident que l'écrivain argentin s'est amusé à construire une histoire en partant d'éléments épars d'une phase onirique. Et là, il s'est démontré plutôt brillant et imaginatif. Enfin, dans les derniers textes recueillis dans ce volume, il invente le personnage de Lucas, qui accomplit toutes sortes de choses absurdes, comme monter une usine à ouragan. Il y a beaucoup d'humour dans ces historiettes. On ignore ce qu'il entendait en faire, si c'était un véritable projet de livre. En somme, en lisant tout cela, on entre dans l'intimité de son écriture, quand elle s'élabore et commence à se formaliser. Et un bon nombre de ces inédits sont intrigants, car on pourrait croire qu'il aurait aimé les développer. Mais Cortàzar n'a jamais été un romancier, mais un merveilleux conteur. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est qu'il éprouvait toujours le besoin d'expérimenter des formes nouvelles et de se lancer dans des aventures qui ne menaient nulle part, pour le texte envisagé, mais qui lui donnaient des pistes pour d'autres textes.




La Cathédrale illustrée, de Hugo à Monet, Ségolene Le Men, « Bibliothèque » Hazan, 240 p., 16 euro.

Le titre semble désigner un projet assez clair : la représentation de la cathédrale en France au cours du XIXe siècle, dans la littérature et dans les arts plastiques. Mais le livre part des dans des directions bien différentes. C'est plus globalement une idée du Moyen Age qui est envisagée : la cathédrale est perçue comme un livre ouvert. Or l'idée est celle de John Ruskin et le Moyen Age tel que l'auteur entend le décrire est déjà celui mis en scène par dans sa demeure excentrique, Strawberry Hill House par Horace Walpole, l'auteur de The Castel of Otranto (1764) : les Gothic Tales de ce dernier ou de Mary Shelley, et somme toute de toute une génération d'écrivains britanniques ouvrent la voie du Gothic Revival , qui est d'abord une histoire anglaise, qui est reprise par le romantisme française et d'abord par Victor Hugo dans son Notre Dame de Paris. Sans ces données, on comprend mal le dessein de l'auteur, qui semble limiter une affaire européenne (il faudrait aussi y adjoindre la culture allemande qui tourne autour de son propre romantisme et même Goethe) à un moment de la culture française qui fait fi de son héraut en architecture, Violet le Duc ! L'image de la cathédrale de Victor Hugo précède de loin celle proposé par Ruskin dans The Bible of Amiens (1885) et diffusée en France par Proust en 1906. Mais le roman d'Hugo ne suffit pas à nous conduire aux Cathédrales de Rouen (1892-1894) de Claude Monet ! En somme, l'auteur soutien une thèse assez contestable. Chaque moment de son discours est pertinent. C'est le raisonnement qui ne tient pas tout à fait.




Traverser les ténèbres, Helena Janeczek, traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli, Actes Sud, 208 p., 20 euro.

Qu'est-ce qu'être Juif après l'holocauste ? C'est la question obsédante que se posent les descendants des rares survivants des camps de la mort. L'auteur a écrit une sorte d'autobiographie (je dis « une sorte », ne sachant jusqu'où elle déclare le vrai et quand elle introduit de la fiction). Déjà, être Juif ! L'héroïne est née de deux déportés qui sont parvenus à revenir vivants de cette expérience que d'aucuns voudraient (comme on le lui demande à la radio, de manière surréaliste) enrichissante. Est-ce là une expérience qu'on peut qualifier de « très haut niveau » ? Cette question, stupide s'il en est, devient le vrai point de départ de ce livre qui associe les souvenirs de la narratrice et ceux de ses parents, de toute sa famille, qui a disparu pour la plus grande partie pendant cette période tragique où la « race » juive devait rayée de la surface du globe. L'auteur nous parle aussi de la prétendue assimilation, de ses obstacles, de ses illusions, et des conséquences de tout ceci sur ses relations avec ces parents pas comme les autres, et aussi avec le poids de ce qu'ils devaient porter et qui était la honte de ne pas être morts comme la majorité des déportés. Ces thèmes, et d'autres, s'entremêlent, tout comme le présent se tisse avec le passé récent et un passé plus lointain. Ayant connu plusieurs cultures, celle de la Pologne d'où viennent ses parents, donc le microcosme yiddish, celle de l'Allemagne où tout devient problématique, et enfin, celle de l'Italie, puisqu'elle décide de s'installer à Milan. C'est là un questionnement qui ne s'achève pas et le voyage à Auschwitz est une espèce de terme à une telle démarche, qui ne fait qu'accentuer l'absurdité de l' « être juif », concept fantomatique.




L'Autriche : une nation chimérique ?, Gérald Stieg, Editions Sulliver, 304 p., 22 euro.

La question peut sembler étrange dans cette Europe si sage et où toutes les nations semblent avoir oublié une partie de leur histoire et donc de leurs conflits. L'Autriche est devenue un si petit pays qu'on ne le tient plus guère en considération. Et pourtant... Son histoire a été prestigieuse et une grande partie de l'Europe appartenait à son Empire, des Balkans aux confins de l'Ukraine. Avec la dynastie des Habsbourg, ce pays devient l'héritier du Saint Empire Roman Germanique, mais d'une façon qui n'appartient qu'à elle. Alors que l'Allemagne morcelée en trois cents petits Etats rêve d'une unification qui pourra se réaliser avec la défaite de la France en 1870, elle conserve d'abord la notion de défenseur de l'Eglise apostolique et romaine et englobe des pays voisins et certains plus lointains. Au point de devenir une véritable tour de Babel. Longtemps menacée par les Turcs (elle ne fut sauvée que par une série de miracles), Vienne est parvenue à rassembler dans son giron des Hongrois, des Tchèques, des Slovaques, des Italiens, des Bosniaques, des Polonais, des régions aux marches de la Sainte Russie, comme la Galicie. Fidèle à sa devine, AEIOU (« l'Autriche a pour vocation de dominer le monde »), jusqu'à la Grande Guerre, sitôt avait-elle perdu un territoire qu'elle aspirait à en conquérir un autre. L'auteur analyse avec un soin méticuleux et savant les relations avec les voisins germains, leurs frères ennemis, dans ce jeu infernal de fraternité et de défiance, les multiples tensions nées du nombre exorbitant de peuples soumis à sa loi, et les contradictions sans fins qui sont nées de ce charivari de langues et de cultures. Mais quand, à la fin du XIXe siècle, Vienne s'impose comme l'autre grande capitale de l'Europe, n'est-ce pas parce qu'elle était riche de toutes ces expériences diverses ? Gérald Stieg parvient à exposer les diverses clefs pour comprendre la problématique complexe, presque borgésienne, de ce monde qui a été si puissant et qui pourtant s'est toujours révélé fragile dès qu'on l'a vraiment remis en cause. Cette étude est d'abord un livre des questions - on y découvre combien ce pays est problématique et combien chaque question en entraîne d'autres. Même si l'on peut en contester quelques conclusions, il s'impose comme une magnifique introduction à l'histoire complexe et contradictoire, à la fois réelle et mythique, de ce que Robert Musil appelait la Kakanie !
Gérard-Georges Lemaire
22-05-2014
 
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