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[verso-hebdo]
16-10-2014
La chronique
de Pierre Corcos
Le microcosme muséal
Lassé des sollicitations perpétuelles du commerce et de la publicité, de la circulation rugissante et de la foule compacte, lassé peut-être secrètement de l'horizon chargé de son époque, le voyageur arrivé dans cette grande ville n'a que le choix entre une pause réconfortante dans une église ou un musée. Si sa foi demeure incertaine et sa curiosité vivace, il opte pour le musée, pour un musée des beaux-arts. Là, il trouve la paix enfin, et dans les nombreuses salles - certaines désertes - des collections permanentes, épanouit son être aux charmes de la peinture, commence un dialogue silencieux avec d'autres époques, et tente de déchiffrer l'énigme vaporeuse, clignotante, de chefs-d'oeuvre tant de fois commentés. Au bout de quelques heures, il a cette envie folle de rester ici pour toujours, manger au restaurant du musée, se laisser habilement enfermer la nuit, et puis se réveiller sur une banquette, devant une toile de la Renaissance ou du XVIIIème siècle ; et peut-être un jour entrer dans un tableau, s'échapper enfin de sa condition, vers cet autre monde promis par le grand art.

Pendant trois heures, le remarquable film du cinéaste américain Frederick Wiseman, National Gallery, génère ou réactive ce rêve en nous suggérant qu'un musée est finalement un microcosme (né d'un noble dessein : la Renaissance d'abord, les Lumières ensuite) où la passion, la beauté, la connaissance fusionnent pour accueillir, le plus démocratiquement possible, tout un chacun. Lui montrer des merveilles qui ne sont pas à vendre (à la différence des foires, des galeries), l'éduquer de diverses façons (histoire de l'art, iconologie, analyse plastique), enfin lui permettre de façonner à sa guise sa culture esthétique... Cette notion de microcosme se retrouve dans le nombre de métiers, de spécialités - finement explorées par le documentariste - collaborant à un musée : de l' « agent de surface » au conservateur, en passant par les conférenciers, médiateurs, scénographes, restaurateurs, spécialistes de l'encadrement, photographes, éclairagistes, etc. Elle se retrouve ensuite dans la multiplicité des problématiques rencontrées par un musée : sociologiques, communicationnelles, économiques, techniques, etc. Cette notion de microcosme, enfin, est ressentie par le spectateur quand il constate que le musée accueille aussi bien la musique (un concert) et la danse (scènes finales de National Gallery) que la poésie (une poétesse lit son poème inspiré par une peinture). Le spectateur retrouve ainsi l'étymologie du mot « musée » : le temple des Muses.
Trois mois de tournage et cent soixante-dix heures d'images furent nécessaires à Frederick Wiseman, spécialiste inspiré de l'analyse des institutions (cf. son étonnant At Berkeley 2013), pour réaliser un film qui audacieusement peut prétendre à l'exhaustivité. Oui, vous saurez tout sur le fonctionnement d'un grand musée en général, de la National Gallery en particulier ! Et la National Gallery, rappelons-le, c'est plus de cinq millions de visiteurs par an, une collection de 2300 peintures, du Moyen Âge à la fin du XIXème (avec un accès gratuit à la collection principale), un florilège de chefs d'oeuvre, quelques-uns des plus beaux tableaux du monde... Et, pour entretenir, animer cet exceptionnel microcosme artistique, voici des professionnels d'une exigence et d'une rigueur époustouflantes, que Frederick Wiseman prend bien le temps de nous faire rencontrer. Pour eux, aucun détail négligé, un engagement total, un soin religieux apporté aux oeuvres et à leur réception par le public : après avoir eu le privilège de les entendre, on se dit que National Gallery fait partie de ces documentaires concourant à la réconciliation des misanthropes avec l'humanité...

Mais sans doute la plus grande réussite de ce film tiendrait-elle dans son montage. Lequel mixe sans arrêt les visages si variés des visiteurs, arrêtés par la contemplation, saisis par le ravissement, ou simplement perplexes, et les admirables portraits peints par les grands de la peinture. Un lien se noue ainsi entre une banalité vivante et une sublimité morte, figée. Un lien par-delà le temps entre les contemporains, les disparus et les artistes... Le montage relie également sans cesse les peintures, leur silencieux éblouissement, et le risque permanent des exégèses, commentaires et gloses. Faut-il analyser sans fin, ou se taire ? Que sait-on vraiment du noyau de l'oeuvre ? Mais comment aussi ne pas en parler ? On admire l'érudition de certains conférenciers, et l'on a envie de la bâillonner... Par l'intelligente composition de son film, Wiseman sème les interrogations et agite le débat intérieur.

National Gallery n'est pas seulement un film complet sur un immense musée, la grande peinture, la passion des professionnels de l'art. Il parvient en trois heures, à peu près le temps d'une visite, à nous aspirer hors de notre espace/temps ordinaire et nous indiquer la direction stellaire d'un heterocosmos. Le spectateur cosmonaute peut ou non prendre le risque du décollage. A lui de voir...
Pierre Corcos
16-10-2014
 
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Verso n°136

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