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[verso-hebdo]
22-02-2018
La chronique
de Pierre Corcos
Une écriture avec la lumière
Raoul Hausmann (1886-1971) ? Voyons... L'un des fondateurs du mouvement Dada ? Un provocateur avec ses collages et photomontages ? Les poèmes « optophonétiques »... Après ces quelques références, la mémoire cale le plus souvent. Or, Hausmann était bien plus que ça, sorte d'artiste complet, à la façon des Vinci et Michel-Ange mais au XXème siècle. Hans Richter disait de lui : « Un jour il était photomonteur, l'autre peintre, le troisième pamphlétaire, le quatrième dessinateur de mode, le cinquième éditeur et poète, le sixième « optophonéticien » et le septième il se reposait ave son Hannah ». Encore fallait-il ajouter aux attributs de notre démiurge la danse, et surtout la photographie !
Quant à cette dernière, l'exposition Raoul Hausmann, un regard en mouvement (jusqu'au 20 mai, au musée du Jeu de Paume), contribue largement à dégager son rôle spécifique, en proposant plus de 140 tirages d'époque en noir et blanc, tous réalisés par l'artiste. Cette première rétrospective d'envergure en France (d'abord à Cherbourg puis à Paris) a bénéficié de prêts tout à fait appréciables, issus de collections françaises et allemandes, publiques et privées. Et Cécile Bargues, commissaire de l'exposition, a réussi, ce qui n'allait pas de soi, à dégager le sens et la valeur de ce médium pour l'artiste, au milieu de sa foisonnante créativité.

La passion photographique intervient relativement tard, à quarante-et-un ans, dans le parcours inventif d'Hausmann. Sans doute correspond-elle, après une période extravertie, critique, expérimentale tous azimuts, à un retour sur soi. L'idéal, latent, celé, n'est reconnu qu'après ses effets, critiques et patents : il en va souvent ainsi... L'artiste a écrit un roman autobiographique, Hyle, qui renseigne sur son cheminement spirituel. Or très tôt, à la vingtaine, ayant accumulé des lectures comme celles de Goethe, Hölderlin et Nietzsche, ayant aimé le libertaire Friedlander et le poète américain Whitman, Raoul Hausmann s'était édifié un puissant idéal où la vie et l'art s'unifiaient, où un sens d'utopie extrayait l'humain des vicissitudes et fureurs de l'Histoire, et où ce qu'il nommera ensuite « la beauté sans beauté », en épiphanies successives, comble l'être. Vingt ans après, la photographie va en quelque sorte permettre à Raoul Haussmann de retrouver, reconnaître, exprimer cet idéal. Muni de son appareil Rolleiflex, véritable prolongement de lui-même, il se consacre à « une écriture avec la lumière », ce qu'est la photographie selon lui... Voici par exemple « Vieux Berlin » : belle luisance du pavé, quatre silhouettes noires disposées comme des points cardinaux, et une masse rectangulaire d'ombre ; ou « Vera Broïdo », sa muse superbe, dont on ne voit que la nuque, un peu de chevelure et l'arrondi éclatant des épaules ; ou encore « tronc d'arbre sur la plage » et « mottes de terre », témoignant d'une sensation première, et comme dépouillée des savoirs techniques, académiques. Il dit : « Il est une chose qui sera toujours nouvelle : la valeur d'un bout de terre, son harmonie avec le vent, les nuages, l'eau, les plantes et le soleil. Ce qui est décisif, c'est la capacité de voir l'essence réelle d'un visage, d'un paysage, d'une fleur, d'un animal... et faire l'expérience de cette essence, cela nous semble être, de tout temps et dans toutes les circonstances, indépendant des artifices ! ». L'essence d'un visage : ce portrait de Christa Ranitsh, tête couchée, occupant tout le cadre, un sourire inspiré par un rêve, dirait-on, puisque les yeux sont fermés, ou par l'éblouissante lumière venant de la gauche... Fuyant Berlin, son actualité convulsive, vers les bords de la mer du Nord et de la Baltique, ou sur l'île de Sylt, Raoul Hausmann multiplie les photos lyriques d'un éden retrouvé, où l'écume, le sable, les dunes, l'herbe, les corps féminins nus qui luisent sous un aveuglant soleil témoignent d'un monde intact, vivifiant et pacifique, réponse à la fois heureuse et fragile aux monstruosités collectives qui se préparent en Allemagne... En 1933, après l'incendie du Reichstag, prétexte et prélude aux sanglantes répressions nazies, Hausmann s'installe à Ibiza, où il s'enthousiasme pour l'architecture locale, d'une simple et lumineuse perfection, et pour ses habitants qui font tout eux-mêmes. Alors, par une étude ethnographique, architecturale, la photographie vient témoigner d'une écologie sociale et d'une harmonie, échos à son idéal. Cécile Bargues résume et décrit cet idéal que la photographie est donc venue, en une décennie féconde (1927-1936), suggérer : « Il élabore encore une forme de « communisme » utopique, aussi hétérodoxe que radical, teinté de zen, lequel s'exprime (...) dans la mise sur un pied d'égalité du grand et du petit, du haut et du bas, finalement dans la « mauvaise herbe » (selon son expression) photographiée en gros plan ». Un idéal anarchiste et pacifiste, en contrepoint des scandales et dérisions dadaïstes qui s'en prenaient à la « rationalité » d'un monde ayant permis la boucherie industrielle de la Grande Guerre...
Cet idéal que la barbarie fasciste (Haussmann a dû fuir Ibiza gagnée par les franquistes) et nazie (considéré comme « artiste dégénéré », il dut se réfugier dans le Limousin) voulurent à jamais anéantir, le voici évoqué par des photographies sensuelles, lumineuses et brutes, complément épanoui d'incessantes recherches formelles.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
22-02-2018
 
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Verso n°136

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