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[verso-hebdo]
19-04-2018
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Tintoret : oui vraiment Naissance d'un génie
Cela se passe au musée du Luxembourg, cela dure jusqu'au 1er juillet. Il faut y aller. D'entrée de jeu, on est foudroyé par un tableau incroyable venu de la National Gallery de Washington : La Conversion de Saint Paul (1538). Le gamin qui a peint cette huile sur toile d'un mètre 52 par deux mètres 36 avait 19 ans. Il se mesurait consciemment à un maître au sommet de sa gloire, alors âgé de 50 ans : Le Titien. Il avait médité le chapitre 2 des Actes des Apôtres où il est question d'un Juif pharisien au service des Romains, Saul, en route pour Damas où il avait lui-même demandé au grand prêtre une mission pour aller traquer les chrétiens et les ramener enchaînés à Jérusalem. Il approchait de Damas « quand soudain une lumière venue du ciel l'enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? ». Le futur saint Paul tomba en effet de son cheval hennissant aux yeux exorbités, ses soldats affolés fuyaient dans tous les sens. Tintoret savait que pour susciter une telle scène, la voix venue du ciel devait être formidable. Au point de crever la membrane d'un tambour ; au point de meurtrir les tympans du soldat qui tente de se protéger les oreilles sur son cheval blanc cabré. Le jeune Tintoret s'était lancé un défi artistique grandiose  : donner forme visuelle à un chaos et devenir, de ce fait, le meilleur peintre de Venise.

Jamais aucun peintre n'avait réussi à donner un volume sonore à un tableau ! Pas même Titien. Pour cela, le jeune Tintoret a inventé un artifice compositionnel : la disposition centrifuge des figures. Il a emprunté la posture de Saul, curieusement tombé sur les marches d'un autel, à Raphaël. Il s'est aussi inspiré du Titien qui venait d'achever La Bataille de Spolète au Palais des Doges pour la scène fluviale avec les porte-drapeaux bondissant sur un pont. Roland Krischel, commissaire général de l'exposition, observe que Tintoret n'est pas un maniériste comme les florentins de son temps : « les peintures de Jacopo sont polyphoniques et polyglottes : le creuset vénitien se reflète en elles sous la forme d'un brouhaha d'influences stylistiques aux origines les plus diverses. » Cela se vérifie dans d'autres toiles étonnantes comme Jésus parmi les docteurs (1539) venus du Museo del Duomo de Milan où Titien et Michel-Ange sont devenus sous son pinceau de fébriles docteurs de la loi.

L'exposition entend montrer la stratégie artistique de Tintoret entre 1538 et 1555. Elle y parvient très bien, malheureusement sans le chef d'oeuvre controversé de 1548 : le célèbre Miracle de l'esclave qui n'a pas pu être emprunté à l'Accademia de Venise. Le tableau est certes reproduit dans le catalogue, qui le commente largement. Mais en nous disant surtout que Tintoret n'a pas voulu figurer les membres de la Scuola Grande di San Marco au risque de les décevoir, et qu'il s'est représenté en victime triomphante dans les traits de l'esclave, sous le regard médusé de Titien et Michel-Ange. Pas un mot de l'interprétation lumineuse de Jean-Paul Sartre. Le Séquestré de Venise de ce dernier est bien cité dans la bibliographie, mais on ne doit pas savoir que ce qui a scandalisé les vénitiens, c'est la masse pesante du saint, jambes en l'air et tête en bas, qui semble devoir s'écraser dans une fraction de seconde au milieu de la foule. Tintoret « va jusqu'au bout et présente aux clients les servitudes de la matière, leurs servitudes. Donc il déplaît. » Erasmus Weddigen se contente d'évoquer « une exagération résolument « robuste » dont le génie ne peut être comparé qu'aux hyperboles verbales proto-baroques de l'Arétin. » Est-ce assez pour expliquer pourquoi les vénitiens se sont détournés du Miracle accusé de laideur ? Pourquoi ne pas citer le mot génial de Sartre qui dit tout : « La laideur n'est pas la pure apparence sensible du désordre : c'est celle de l'ordre, au contraire, en tant qu'il est rongé par un désordre plus ou moins caché. » On comprend aussitôt pourquoi les vénitiens mécontents étaient incapables de dire pourquoi ils n'aimaient pas le Miracle de l'esclave. Saint Marc n'était pas exagéré, il pesait, simplement, en un temps où l'idée de gravitation universelle était inconcevable...
J.-L. C.
verso.sarl@wanadoo.fr
19-04-2018
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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