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[verso-hebdo]
12-02-2015
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Lettre à ma mère, 1923-1978, Georges Borgeau, présentées par Stéphanie Cudré-Mauroux & Christophe Gence, La Bibliothèque des arts, 790 p., 25 euro

J'ai déjà parlé de Georges Borgeau dans ma précédente chronique. Et je dois de nouveau évoquer cette figure un peu oubliée de l'art (il se piquait de peinture) et de la littérature, tout du moins en France, bien qu'il ait reçu de nombreux prix dans notre pays. Fils illégitime, né en 1914 à Lausanne, voilà un pedigree qui n'annonçait pas une enfance heureuse Il a eu une existence chaotique et surtout a été séparée de sa mère dont il a tenté désespérément de se faire aimer malgré tous les obstacles. Il a accepté qu'on publie cette correspondance quand il a lu les lettres de Paul Léautaud, qui lui ont rappelé son enfance difficile. Bien sûr pour quelqu'un qui sait aussi peu de choses sur cet homme, sa correspondance n'a qu'un intérêt relatif, même s'il parle de ses grands amis, dont Philippe Jaccottet, Ramuz Jean Tardieu et quelques autres qui nous sommes un peu plus familiers. Mais pour le chercheur ou même pour le simple connaisseur de sa prose et de son art, c'est sans aucun doute une mine inépuisable. Je crois qu'avant de se plonger dans ces lettres, il faut apprendre à le connaître par ses oeuvres. Ne s'est-il pas installé à Paris et n'y a-t-il forgé sa carrière d'écrivain ? Nous sommes donc bien coupable de ne pas être aller relire le Voyage à l'étranger, prix Renaudot en 1974 et, bien entendu, le Préau, le roman qui l'a révélé. De plus, la personnalité de cet homme compliqué ne peut pas laisser indifférent : ce n'était pas un bon coucheur ! Germaine Richier a fait un buste de lui, qui nous montre un visage qui présente deux aspects, l'un tourmenté, l'autre bienveillant. Avec les lettres, ce ne sont ses tourments qui dominent, il tente même de les cacher. Mais c'est cette rage de conquérir l'amour d'une femme qui ne peut pas la lui donner même si elle le voulait.




Jean-Michel Basquiat, Michel Nuridsany, « Grandes biographies », Flammarion, 464 p., 25 euro

Nombreux sont les amateurs d'art qui ont adopté l'art de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) sorti des rues de New York. Je n'en fais pas partie. Sans doute est-il de loin le plus brillant et le plus doué de cette génération d'artistes qui, à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingts se sont servi des murs aveugles de New York comme de gigantesques supports. Mais ils n'ont pas tenté de renouveler l'expérience des muralistes mexicains et c'est bien dommage. Il s'agissait d'un art qui voulait faire mouche en utilisant des lettres géantes et des signes schématiques. Il a eu l'idée de changer de terrain d'expérience et de retourner à une forme de peinture plus traditionnelle dans sa présentation, mais pas nécessairement dans sa manière. Au début, selon l'auteur, c'est la colère qui primait. Une colère qui touchait à ses origines, mais aussi à d'autres facteurs qui concernait le tissu urbain. Nuridsany rappelle à juste titre qu'il existait alors un grand plan d'urbanisme, qui devait faire passer une autoroute au beau milieu d'un des quartiers les plus déshérités de la ville. Ce grand chantier offrit aussitôt un terrain idéal pour l'expression d'une révolte. +Mais l'idée était aussi de réaliser ces ouvrages monumentaux non loin des galeries qui s'installaient à Soho. Après cette expérience, Basquiat ne s'est pas assagi. Il a plutôt choisi de la manifester dans d'autres termes. C'est en 1983 qu'il fait la connaissance d'Andy Warhol. Cette rencontre a été fondamentale car le guru du Pop Art américain va prendre sous son aile le jeune métis turbulent. Aussi différents furent-ils, ils ont été attirés l'un vers l'autre. Warhol voyait en lui ce qu'il aurait souhaité être. Et Basquiat savait ce que ce peintre désormais célèbre dans le monde entier pouvait lui apporter. Ils en sont venus à faire des oeuvres en commun en 1984 et en 1985. Sans doute l'un cherchait à utiliser l'autre à ses propres fins, mais il y avait entre les deux hommes une relation intense et Basquiat a été inconsolable de la mort de son aîné et protecteur. La biographie de Nuridsany est très bien faite et nous fait découvrir l'univers pour le moins mouvementé de ce jeune homme en quête de notoriété mais aussi de jouissances de toutes sortes. C'est aussi un climat culturel qu'il nous rend avec intensité et en détail




Le poids du papillon, Eri De Luca, édition bilingue, traduit de l'italien par Danièle Vallin, Folio bilingue144 p., 5,80 euro

Aux yeux des Français, Eri De Luca passe pour être le plus grand écrivain italien vivant. Il remplace dans leur coeur feu Antonio Tabucchi qui, après des débuts, très prometteurs, a fini par écrire des romans insupportables et médiocre. De Luca est meilleur stylistique que ce dernier et de loin. Son écriture est simple, taillée au cordeau, sans fioriture. Sans rien qui fait buter la lecture, avec des phrases courtes et simples. L'histoire est du même tonneau. La relation du chasseur et de sa proie est d'une simplicité enfantine, pour ne pas dire plus. Tout le monde peut se mettre à la place du malheureux chamois poursuivi jusqu'aux cimes les plus escarpées. Il y a derrière tout cela une « philosophie » digne de Jonathan le goéland qui a connu en son temps un rare succès de librairie. Tout est prévisible. De Luca est un autre d'une fourberie incroyable. Il n'y a rien qui révèle un imaginaire puissant ou une pensée forte. Rien. Mais il y a ceux qui chassent et ceux qui sont chassés. Voilà, le chassé perd le plus souvent. C'est inéluctable. Tout le monde le sait. Et c'est réconfortant.




Découverte inopinée d'un vrai métier, Stefan Zweig, traduit de l'allemand par Isabelle Kalinowsi & Isabelle Taubes, « Folio », 128 p., 2 euro

Je n'apprendrai rien à personne si je dis que Stefan Zweig était passé maître dans l'art de la nouvelle. Le premier des deux textes que nous propose cette édition pour voyageur est une merveille. Il nous raconte l'histoire d'un homme qui se promène sur les Grands Boulevards à Paris. Il avise un homme qui a une drôle d'expression et qui agi aussi de telle façon qu'il se met à l'observer et à la suivre. Il le prend d'abord pour un inspecteur en civil. Il s'agit en réalité d'un pickpocket. La description qu'il nous fait des agissements de ce petit ladre est époustouflante. On partage avec lui la découverte de la science de l'individu, de ses comportements et des émotions qu'ils font naître chez le narrateur. C'est absolument extraordinaire. C'est à la fois divertissant et prenant, chargé d'émotions diverses et de sentiments complexes. C'est l'homme qui découvre un autre homme dans toute ce qui peut l'en éloigner et pourtant qui le rend si familier, presque intime. Zweig a mieux réussi dans cet art que dans le roman. Il avait appris à Vienne tout ce qu'il y avait à apprendre en matière de journalisme à une époque om travaillaient des lettrés comme Bahr, Altenberg, Polgar, Roth, qui aimaient la presse et ses ressources. Un texte bref, mais une grande oeuvre.



Vivre comme un prince, Henry David Thoreau, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Thierry Gillyboeuf, préface de Michel Onfray, Climats, 178 p., 18 euro
Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Germaine Laudré-Augé, préface de Michel Onfray, Climats, 416 p., 20 euro


Thoreau est un des piliers de la littérature américaine avec Mark Twain. Drôle de naissance si l'on songe à nous, qui nous réclamons d'Homère, de Sophocle, D'Euripide, de Virgile, d'Horace et de tant d'immortels Anciens ! Sans doute, l'Amérique n'est pas née de ce seul héritage car les Pilgrims Fathers sont arrivés avec leur Bible et aussi des bibliothèques du Vieux Continent. Mais il n'empêche que ces deux auteurs ont contribué à forger le caractère américain. Leur grande similitude est de favoriser non seulement le monde, mais aussi le monde quasiment vierge qu'ils ont découvert, colonisé et enfin en partie ravagé. Tom Sawyer, Huckleberry Finn et le narrateur de Walden sont des marginaux à l'époque où ils apparaissent même s'ils ressemblent à bien des Américains d'alors. Ce qui frappe dans les écrits de jeunesse de Thoreau, c'est leur extrême naïveté. Mais aussi les grandes lignes de ce que l'écrivain va s'imposer par la suite, la simplicité, la description avec droiture d'un univers authentique, l'éloignement des modes littéraires. L'un des articles les plus intéressants dans l'optique de son oeuvre à venir est « Littérature américaine » : il désire que l'on puisse dégager les valeurs et les vertus de ce que la jeune Nation d'Outre-Atlantique peut offrir. Walden en est le manifeste car tout ce qui propose ne pourrait plus trouver sa place dans la vieille Europe mais exclusivement dans les espaces immenses d'un pays qui était encore en train de repousser ses frontières. Comme les pionniers, Thoreau veut fonder une existence sur des fondements solides et en accord avec la nature sacralisée et comme il sacralise d'une certaine façon la nouvelle humanité. M Onfray y voit une Abbaye de Thélème made in USA. Quelle blague ! Il se fourvoie complètement. L'idéal américain a été et est demeuré fondamentalement religieux, avec ses aspects extrêmes et mêmes dangereux. Nathaniel Hawthorne est l'homme de lettres qui a su mettre en évidence les dangers de cette surabondance de bonté, de pitié, de dépouillement et de pureté morale. L'Amérique a commencé par un cauchemar biblique et a continué dans cette voie avec la lutte contre le mal. Thoreau en est le saint apôtre, même s'il a été une sorte de Rousseau encore plus niais et excessif.



Post-scriptum de ma vie, Victor Hugo, L'Herne, 72 p., 7,50 euro

Que ce texte passe pour avoir été le projet de la préface générale des oeuvres de Victor Hugo peut sembler surprenant. Il l'aurait écrit en 1860, donc bien longtemps avant sa disparition qui survient en 1885. Je vois plutôt ces pages comme une suite de réflexions décousues qui ont été rédigée en vue d'un projet jamais réalisé. On y trouve les nombreuses facettes de sa personnalité, l'homme de justice (qu'il est devenu peu à peu), le visionnaire, qu'il a toujours été, l'homme qui fait primer la raison mais n'en éprouve pas moins une fascination pour l'infini, que la science ne saurait plier à se lois ; mais qu'on ne fasse pas de Victor Hugo un philosophe. Il a réuni dans ce court texte tous les éléments de ses considérations sur l'homme, la société et le vaste univers, sur le profane et le sacré. Et il a écrit des lignes d'une vertigineuse beauté : «  Les choses sont les pores par où sort Dieu. L'univers le transpire. Toutes les profondeurs le font paraître à toutes les surfaces. Quiconque médite voit le Créateur perler sur la création. La religion est la merveilleuse sueur de l'infini. » Hugo analyse le monde en trois phases : observation, imagination, intuition. Sans doute pourrait-on commenter ce processus selon des clefs plus anciennes. Mais, tout de même, il y a quelque chose d'étrange dans cette démarche, comme si les deux premiers moments ne pouvaient être pleinement accomplis sans l'intuition. Le tout se conclue par une apologie de la mort. Etrange, oui étrange Hugo, Qui a semblé être tellement de son temps, mais qui a malgré tout été un peu de biais. Si on veut le mieux connaître ce texte, qui est si beau et désarmant, doit être lu de tous !




Le Livre des espistres du débat sus le Rommant de la Rose, Christine de Pizan, édition d'Andrea Valentini, Classiques Garnier, 380 p., 39 euro

Christine de Pisan (Venise 1364-Possy vers 1430) a été sans conteste la femme la plus érudite de son temps et aussi une grande poétesse dont les Ballades demeurent mémorables. Sa réputation a été grande de son temps mais son étoile pâlit dès le XVIesiècle. Elle n'a pu peur de s'attaquer à des sujets qui ne sont pas exclusivement de nature poétique : elle a laissé des écrits politiques. Ce volume réunit les Epîtres qu'elle a composés à propos du Roman de la Rose. C'est une attaque violente contre Jean de Meung, qu'elle accuse de sept maux, dont l'un est la misogynie et l'autre la vulgarité. Il est difficile aujourd'hui de prendre la mesure de l'importance de ce débat. Il faut aussi souligner le caractère très direct des coups portés. Elle ne s'embarrasse pas d'une rhétorique fleurie et son oeuvre prend vraiment l'aspect d'une dénonciation qu'elle rédige avec grâce, sans aucun doute, mais aussi avec virulence. Elle l'accuse aussi de défauts graves dans sa rédaction. En somme, elle s'en prend à l'un des grands piliers delà littérature médiévale, mais aussi à une conception littéraire au-delà des considérations morales et religieuses. Cette édition est d'un intérêt indéniable. Le seul défaut que je lui trouve est que l'éditeur de ce texte a commencé par d'innombrables considérations sur le texte à proprement parler (plus de cent pages) avant de parler de l'auteur et de son projet, ce qui est absolument illisible pour un néophyte ou un étudiant. Seuls de grand spécialistes comme lui pourraient s'y retrouver. Mais si l'on se montrer patient ou avisé, on trouvera dans cet ouvrage une polémique fondamentale dans les glissement irréversibles de la culture en Occident. Christine de Pisan adopte un point de vue qui montre que l'amour courtois qu'on lie à l'ère médiévale n'a pas été ce que l'on croit. Sa dénonciation veut mettre un terme à la minorité des femmes dans les ouvrages de littérature. N'en faisons pas un avant-courrier du féminisme. C'est plutôt une bataille contre une culture qui est désormais à son crépuscule. Ses Epîtres ont été rédigé entre 1401 et 1404. C'est l'aube du Quattrocento. Bien sûr, chaque pays en Europe ne le vit pas de la même façon et demeure souvent très en arrière de ce qui se passe en Italie. Après ce travail, elle a entrepris d'écrire la Cité des Dames (1404-1405) et, entre autres, le Livre des trois vertus à l'enseignement des dames (1405), sans doute pour montrer que sa rébellion se déroulait dans des cadres éthiques et théologiques définis avec soin.




Un trouble de mémoire sur l'Acropole, Sigmund Freud, L'Herne, traduit par Marthe Robert, présenté par Roger Perron, L'Herne, 94 p., 9,50 euro

1936. Freud est pressenti pour écrire un texte à l'occasion du 70è anniversaire de Romain Rolland. Il accepte car il admire beaucoup cet écrivain et a aussi un grand respect pour les positions qu'il avait prises pendant la Grande Guerre. Assez curieuse, il lui adressé ce court texte où il se remémore un voyage qu'il avait fait en Grèce dans sa jeunesse en partant du port de Trieste, et qui s'était déroulé de manière insolite. Au lieu d'aller passer quelques jours de repos sur une île enchanteresse, Freud reste à Athènes. Bien sûr, ils e rend sur l'Acropole. Là, il lui arrive un phénomène étrange qu'il tente d'interpréter. Et son interprétation est encore plus étrangère car elle lui permet de conclure qu'ils 'agirait du sentiment de culpabilité du fils qui surpasse son père. Un second texte, plus ancien (1922) montre un aspect peu connu de Freud qui est celui de la relation à l'irrationnel : il s'interroge sur les possibilités de la télépathie. Ce petit recueil a le mérite de nous faire comprendre que Sigmund Freud n'a pas été seulement un froid théoricien d'une science nouvelle, la psychanalyse, mais s'est intéressé à des phénomène qui allait bien au-delà de la connaissance classique.




Le Pied de Fumiko, Junichirô Tanizaki, traduit du japonais par Madeleine Lévy-Faivre d'Arcier & Jean-Jacques Tschudin, « Folio », 140 p., 2 euro

Avec « Le pied de Fumiko », le lecteur retrouvera avec délectation ces douces obsessions fétichistes que l'écrivain japonais a toujours su rendre avec tant de délicatesse, avec un érotisme qui n'est jamais violent ou choquant. C'est une esthétique qu'il nous donne à savourer avec lui. « La Complainte de la sirène » est une nouvelle moins connue et qui pourtant mérite qu'on s'y arrête car elle présente quelques similitudes avec les récits des Mille et une nuits. Sans doute Tanizaki a-t-il su moderniser avec un grand talent des légendes du passé. C'est la cas ici avec ce genre homme riche et se sept concubines qui a tout pour être heureux et ne l'est pas un instant. Il faudra qu'un être fabuleux, comme cette jolie sirène, le fasse sortir de cette sorte de torpeur mélancolique et le décide à entreprendre un long voyage de l'autre côté du monde, en Angleterre. C'est écrit avec une grande économie de moyens, une simplicité jamais démentie mais un style d'une grande souplesse qui change son histoire en un périple délectable. Tanizaki est passé maître dans ce genre de fictions, qui, sans qu'on s'en aperçoive, nous faisaient quitter nos routines mentales pour nous emporter dans un monde de fiction merveilleux.




Le Fantôme locataire, Henry James, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Fonteney. « Folio », 128 p., 2 euro

Ce n'est pas dans le fantastique où Henry James s'est le mieux illustré. « Le Fantôme locataire » est une nouvelle plaisante, mais rien de plus. C'est d'ailleurs plus l'histoire d'un imbroglio que d'une véritable histoire de spectre ! La première nouvelle de ce recueil, « Histoire singulière de vieux habits » me plaît beaucoup plus car elle est allusive et met en scène notre relation aux choses passées. Là, on retrouve son monde dont la nostalgie n'est jamais absente. Il situe son intrigue dans le Massachussetts du XVIIIesiècle et la développe en fonction d'un mariage d'une jeune fille. Les vêtements et les effets personnels de l'épouse défunte son restés là, dans un coffre, et c'est cette relation avec ces objets désormais abandonnées qui est au centre d'une relation pleine d'étrangeté.




Alexandre Scriabine, Jean-Yves Clément, « Classica », Actes Sud, 208 p., 18,50 euro

Pour l'auteur de cette brève mais très bien faite monographie, Alexandre Scriabine est sans nul doute l'un des grands compositeurs du tournant du siècle (entre le XIXe et le XXe). S'il figure aujourd'hui il figure parmi les « classiques », il n' pas encore la place qu'il mériterait. De son vivant, Scriabine n'a pas fait l'unanimité chez ses pairs, loin s'en faut. En 1892, il avait alors trente ans, son oeuvre de compositeur n'avait pas encore été acceptée au Conservatoire de Moscou. Et quand son Divin Poème est joué à Paris dix ans plus tard, il n'obtient pas le succès escompté. Bien sûr, il fait partie du monde musical russe à part entière et participe aux débats virulents entre les partisans de Wagner et ceux de Tchaïkovski. Il ne se place dans aucun camp, même s'il est convaincu que l'auteur de Tristan et Yseut ouvre une voie nouvelle prometteuse. Il connaît son premier succès en 1895 puis se lance dans la production de nombreux Préludes, qui ne sont pas toujours aboutis. C'est en réinterprétant Chopin qu'il sort de cette impasse et produit ses Etudes. Sa situation s'améliore et devient professeur au Conservatoire. En 1897, il écrit son premier concerto, deux ans plus tard, sa première symphonie. C'est un étrange paradoxe d'audace et de retour aux sources récentes (surtout Rachmaninov) qui alimentent sa musique. Il s'enthousiasme en lisant le Zarathoustra de Nietzsche, mais ne compose pas l'oeuvre qu'il pensait en tirer. C'est après son premier voyage à Paris, lors de l'Exposition universelle, que son oeuvre s'épanouit avec une autre symphonie et des pièces qui marquent un tournant notable dans sa création. Mais il doit quitter le Conservatoire et sa réputation n'est toujours pas assise. Commence alors une période faste pour lui qui le conduit à la composition du Poème de l'extase, son chef-d'oeuvre selon l'auteur. Il a ses premiers succès en Europe et s'intéresse de plus à plus à des formes plus audacieuses Ainsi, grâce à ce livre, on peut reconstituer la carrière de ce grand musicien, mais aussi l'aventure spirituelle qui a été la sienne et comment il l'a traduite en musique.




Traité des douceurs de l'affliction. A Madame, Agrippa d'Aubigné, édition de Gilbert Schrenck, Classiques Garnier, 288 p., 32 euro

D'Agrippa d'Aubigné (1552-1630), nous nous souvenons des Tragiques et du fait qu'il fut protestant. Le reste de son oeuvre est tombée, pour la plupart, dans un sombre oubli. Il est vrai que, mis se côtés ses oeuvres poétiques, l'essentiel de sa production est de nature polémique, religieuse ou même politique. Il semblerait qu'il ait écrit ces pages au moment où il composait les Tragiques. Mais ce texte parut ultérieurement (1600-1601). Ces recommandations sages et pieuses adressées à Catherine Bourbon, qui avait épousé Henri de Lorraine en 1599 (ce fut un mariage malheureux et aussi une douloureuse affaire de conversion). Il prend le ton d'un sage antique, mais qui ne tarde pas à verser dans le prêchi-prêcha des confesseurs. C'est un curieux mélange de leçons de morale, de patience, de vertu et d'allusions à de forts ressentiments qui sont aussi les siens. C'est très habile et parfois assez subtil, mais l'invention n'est pas au rendez-vous. Bien sûr le poète, au cours de sa carrière mouvementée, a dû sans cesse passer de la dissimulation à la colère, et en a retiré de l'humanité une représentation peu glorieuse. L'époque était ainsi faite : celle des compromis auxquels peu croyaient, mais qui étaient indispensables pour la royaume et pour la paix. Il va trop dans le sens de l'affliction de son interlocutrice et lui parle trop souvent de Satan !
Gérard-Georges Lemaire
12-02-2015
 
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Verso n°136

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