avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 174
N°Verso : 117
L'artiste de l'été : Gabrielle Thierry
Titre : Gabrielle Thierry par elle-même
Auteur(s) :
Date : 26/06/2019



Gabrielle Thierry par elle-même

2. Intervention de G. T. dans un texte de Marc-Mathieu Münch

Marc-Mathieu Münch a écrit en 2018 un texte intitulé Rencontre avec Vol d’Oiseaux, peinture de Gabrielle Thierry. Il lui laisse la parole en cours de démonstration en précisant : « je dois à l’amitié de Gabrielle Thierry un Regard croisé qui va nous permettre de pénétrer un peu dans les mystères de l’art. Le voici. »

Lorsque Marc-Mathieu Münch a souhaité écrire sur un de mes tableaux, il est venu dans l’atelier pour en choisir un. Son choix s’est tourné vers « Vol d’Oiseaux ». Parmi les quelques œuvres présentées, « La Fantaisie de Schubert » a été malheureusement trouvée trop grande pour l’emporter. Dans la série « Le Monde coloré des musiciens », l’aquarelle « La Meije, portrait d’Organistes », l’inspirait également. C’est « Vol d’Oiseaux » qui a été accroché dans son appartement pendant trois semaines. Puis, Marc-Mathieu Münch a souhaité ne plus voir le tableau afin d’y réfléchir et garder intact le souvenir des premiers instants pour mieux les décrire. Inventeur de la théorie de l’effet de vie d’une œuvre, Marc-Mathieu Münch cherche à démontrer qu’il existe un invariant dans l’art, en accord avec la multiplicité des esthétiques et du beau. Il serait donc intéressant de pouvoir donner une définition assez précise de l’art. Il ne s’agit pas là de catégoriser les arts, mais de donner une base solide à toute critique, faisant le constat que, par manque de fondation, tout est devenu et devient art. C’est sans doute le cas aujourd’hui quand l’art est un marché absorbé par le luxe. Toute concrétisation d’une pensée ou d’une idée, quel que soit le support, d’ailleurs facultatif, est donc de l’art. Il est sujet à toute déformation spectaculaire, alliant le gigantisme aux effets spéciaux, offrant du divertissement, de l’amusement. Le danger est justement la disparition de l’art. Le définir, lui donner des contours, n’est pas le limiter dans son évolution constante. Il s’agit de mieux le connaître pour mieux le reconnaître et le comprendre. Considérer l’art comme vecteur de connaissance du monde, de soi, de nos expressions et sensations devrait permettre aux critiques de gagner en acuité.

J’ai été honorée de la proposition de Marc-Mathieu Münch, littéraire et musicien, violoncelliste. Lire Marc-Mathieu Münch c’est pour moi mieux comprendre l’essence même de l’art. La théorie de l’effet de vie donne sens à l’œuvre et, pour le peintre, un sens à l’acte de peindre. Après son expérience en immersion dans la musique de Liszt, devant le tableau, nous avons échangé nos points de vue : lui en tant que découvreur, récepteur de l’œuvre, et moi en tant que créateur. Ce regard croisé est un enrichissement.

La connaissance d’une œuvre dépend du temps passé à sa contemplation et de l’intimité qui s’installe avec elle. Tout amateur d’art connait bien ce sentiment, puisque vivant entouré par sa collection d’œuvres comme autant d’effets de vie. La lumière toujours changeante agit sur l’harmonie du tableau et sur l’état émotionnel de celui qui le regarde. Cela me rappelle une amie, qui, lorsqu’elle acquit deux de mes toiles, me dit après quelque temps qu’elle comprenait enfin la puissance de la présence intime de la peinture. Elle m’a expliqué ne pas avoir vécu cette expérience auparavant, même lors de visites de musées. Ou cette autre qui m’a dit avec émotion qu’à chaque heure du jour, elle découvre à nouveau mes tableaux tant les couleurs et les effets sont changeants.

Marc-Mathieu Münch parle d’expérience face au « Vol d’Oiseaux », en décrivant les éléments de cette peinture-monde. La question des couleurs est importante lorsque l’on parle de musique. Les sons étant colorés, la couleur est fondamentale dans la représentation de la musique. Il y a autant de couleurs que de notes et d’accords, leur nombre évolue de manière exponentielle si l’on tient compte de l’instrumentation. Pour moi, l’instrument donne le ton, les vibrations de la musique influencent majoritairement sa couleur.

Chaque tableau est pour moi, une expérience, elle se concrétise sur la toile. Immergée dans la musique de Liszt, très influencée par le thème de la musique, Saint François d’Assise : la prédication aux oiseaux, je peins les notes comme autant de touches colorées, de très courtes durées impressionnelles. Les notes se traduisent par des rectangles bien délimités, de couleurs différentes et pourtant dans des tonalités voisines.

Les premières phrases musicales jouées par Vladimir Feltsman offrent un espace dynamique, clair et d’une harmonie scintillante. Les touches de piano se jouent distinctement. J’espère les donner à voir dans la multiplicité des formes colorées du tableau. Les oranges, puis les bleus, et enfin les blancs constituent une matrice spatiale que j’associe aux accords de la main gauche. L’emplacement de ces couleurs automnales sur la toile crée un espace tridimensionnel. Et la temporalité est pour moi exprimée par des plans. Espace et temps sont donc représentés par des couleurs mais aussi par une architecture particulière faite de lignes, de colonnes, de diagonales. C’est sans doute pour cette raison que Marc-Mathieu Münch écrit : « le mouvement de mes yeux semblait ne plus pouvoir s’arrêter, tellement sont si nombreux les rapprochements qui s’imposent »…

www.gabriellethierry.com

 

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Verso n°117
L'artiste de l'été : Gabrielle Thierry
 
 
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