L'œil écrivain
par Christophe Averty
Ces « apparitions » réconciliatrices appellent une lenteur d’exécution, tenue par le désir, humble et artisanal, d’embrasser, autant que faire se peut, des temps aux imperturbables absences, aux immaîtrisables évasions dont chaque touche, interprétation d’un fragment d’instant, tiendrait d’une impulsion électrique, telle une étincelle éclairant les poésies du monde. Au fil de son œuvre, Benjamin Lévesque nous parle, nous écrit et nous entraîne, en puisant son discours à la source d’une élégance informelle qu’il parvient à traduire.
Vérités sans vérisme
En poussant l’exploration du paysage dans son essence, le peintre en transmet l’émotion. Dans la ville, dans la nature ou dans la nuit, ses lieux réels garantissent leur mystère. C’est ici, un infini canal parisien. S’il s’étire, entre chien et loup, tel un bras de fleuve lascif et caressant, il laisse scintiller dans son cours la lumière fragile de ses envies, ses désirs obscurs ou idéaux. C’est, ailleurs, cette Venise, dans les brumes de la lagune qui tapissent de fantômes un papier buveur, auréolé, métissé, brillant et tragique, festif et noir, chantant et menacé. C’est, encore, ce cimetière en Bourgogne où les âmes gravées dans la pierre, où l’ombre de vies lointaines épousent, dans leur danse des ténèbres, le mouvement des arbres, l’austère quadrillage des allées. Ses lieux sont eux-aussi les stigmates d’une mémoire turgescente, apparue, tel un beau souvenir, au coin de lèvres dont elle étire le sourire. Ses lieux sont sans doute un cadre tout autant qu’une fenêtre qui invite l’œil à sonder, explorer, dépasser, suivre toujours plus loin, le chemin d’une aventure intérieure.
Alors, Benjamin Lévesque serait bel et bien ce narrateur qui défriche, range, classe, étalonne et compose la « bible » de ses personnages pour écrire son histoire. Elle se livre de touches en reliefs, d’apparitions en arrêts, suspend des instants fugaces, respire la vie dans la constance essentielle du sens et des sens.
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