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La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire

I Arts plastiques


André Marchand, le Provence, Actes Sud/Musée Estrine, 256 p., 39 €.

André Marchand (1907-1997) fait partie de ces peintres du siècle dernier qui ont eu une certaine réputation puis ont été un peu oublié. Après sa première exposition personnelle à Paris en 1934, il se fraye un chemin dans la France des années trente où l’on s’efforce de chasser les artistes « métèques » (à commencer par les Juifs, cela va sans dire !). Il s’inscrit dans une optique moderniste, mais pondérée. Et c’est cette pondération qui lui vaut sa réputation. Il est un lointain (et indirect) héritier du cubisme, plus encore de Matisse et des avant-gardes des années dix, mais en s’ancrant très solidement dans une figuration clairement exprimée. Il a un style, donc du caractère et n’hésite pas à se permettre quelques audaces bien contrôlées, comme le fond rouge du portrait de Françoise Gillot. La série des Arlésiennes de 1949 fait apparaître qu’il n’a pas abandonné cette posture en pleine querelle des abstraits de l’Ecole de Paris et les réalistes, engagés ou non, d’André Fougeron à Bernard Buffet. Les Bergers de 1955 nous montre un marchand qui a plus clairement pris son parti, même s’il n’hésite à emprunter des effets à des expériences informels pour des détails. Mais il avait fait un pas timide en direction du surréalisme en 1934 avec La Barque. En somme, Marchand a représenté l’univers de son enfance avec beaucoup de profondeur, mais aussi de prudence. Il demeure un artiste très attentif à ce qui se passe auteur de lui, s’en distingue, mais essaie d’en retirer les fruits sur la marge. En 1976, il peint des paysages qui sont presque abstraits -, un tournant qu’il effectue avec plus de vingt ans de retard ! En somme, ce n’est pas un immense créateur, c’est un excellent praticien de la peinture (moins du dessin) qui a eu au moins le mérite de ne pas sombrer dans un académisme pur. Mais il s’est trop recommandé de l’esprit français, sans excès là non plus, mais assez pour exposer en toute quiétude pendant la guerre à la galerie Louis Carré et se donne une bonne conscience en 1946 en participant en 1946 à une exposition sur la résistance espagnole ! On va continuer à le rencontrer quand on voudra étudier l’art du années trente à soixante, mais on va aussi continuer à l’oublier.

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Christian Jaccard, Ceysson, 94 p., 25 €.

Christian Jaccard est un artiste très connu pour ses travaux que l’on peut situer dans la mouvance de Supports/Surfaces. Le modus operandis de ses débuts a été le feu et il le demeure encore. Mais l’ouvrage publié par la galerie Ceysson à l’occasion de l’exposition personnelle à l’Abbaye Saint-André, nous présente quelques un des aspects de son œuvre assez méconnus : comme tous les grands obsessionnels (ce n’est pas une critique, mais un simple constat qui a sa réalité dans l’art de notre époque), on finit par ne plus voir que les caractéristiques les plus marquantes de sa démarches -, les toiles calcinées et les nœuds. Il est vrai que c’est l’essentiel de son travail. Mais il a produit des ouvrages qui déclinent ce thème avec subtilité dans de séries vraiment peu vues comme les Diamants BRN (1990) et surtout les Pics de croissance (2001), très surprenants quand on connaît sa dynamique créative. En somme, ce beau catalogue nous permet d’approfondir nos connaissances sur cet artiste qui figure parmi ceux qui ont été parmi les plus audacieux pendant les années 70 et 80. De plus, il nous fournit l’occasion de revoir des grands moments de son art, comme les Anonymes calcinés (1980), quand il brûlait avec des mèches la surface de tableaux anciens, travail iconoclaste assez troublant qui est sans doute une de ses inventions plastiques les plus passionnantes. Christian Jaccard, comme tous les artistes de sa génération, mériterait plus de reconnaissance et aussi plus d’attention. L’art français a connu alors un bonheur d’expression aussi grand que l’Arte Povera en Italie. Pourquoi est-il aussi peu connu à l’étranger ? Peut-être parce que l’Etat n’intervient que pour voler au secours de la victoire...

 

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