avec le soutien éclat ou éclat
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La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire


Soutine, le lyrisme de la matière, Marie-Madeleine Massé, « Découvertes », Musée de l’Orangerie/Gallimard, s.p., 8,40 €.
Rouge Soutine, Olivier Renault, « la petite vermillon », La Table Ronde, 160 p., 7,10 €.

La belle exposition de Chaïm Soutine à l’orangerie met l’accent sur ses œuvres réalisées dans le Midi de la France, en particulier celles de Céret, mais aussi ceux qu’il réalise au début des années vingt à Vence et à Cagnes. Mais on a pu y découvrir une salle entière de glaïeuls rouges, qui sont de véritables miracles picturaux.

Ce Montparno de la dernière heure, qui n’a pas connu la vie de bohême, mais un succès presque instantané, passant presque immédiatement de son misérable shtetl de Smilovitchi à la Rive Gauche de Paris, il n’en reste pas moins un peintre surprenant par son audace et sa puissance d’expression. Jamais il ne s’est renié et n’a jamais cessé, avec une belle rage, de travailler sur des formes tourmentées et parfois violentes (les étales de boucherie, les lièvres et les lapins suspendus, mais aussi les portraits, parfois terribles. Ce peintre aimé du Tout-Paris mais en rien mondain, il ne s’est plus que dans les monuments des Montparnos – la Ruche, la Cité Falguière -, etc. La petite et même aigre biographie d’Olivier Renault se lit comme un roman de gare. Mais rien n’y est franchement faux. C’est trop elliptique et parfois trop rapide. Quant au volume de « Découvertes », c’est bien pour les enfants avec toutes ces pages qui se déplient. Mais c’est Rops, beaucoup trop rudimentaire.

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Après Caravage, une peinture caravagesque ? Olivier Bonfait, Hazan, 219 p., 19 €.

Le titre me plaît : on parle un peu trop rapidement de « caravagesques » comme s’il s’agissait d’un mouvement cohérent. Ce n’a été ni une école, ni un mouvement, mais un nouvel état d’esprit qui s’est fait jour au XVIe et au XVIIe siècle en Europe dont Caravage peut être considéré comme le point de départ et le paradigme. Les récentes expositions sur ce thème à Toulouse (musée des Augustins) et à Montpellier (musée Fabre) ont permis aux amateurs français de mieux connaître cette constellation assez complexe qui va d’Orazio Gentileschi à Georges de La Tour. Mais reste à comprendre les idées forces qui sous-tendent un nouvel entendement de la peinture. J’aime donner à exemple la Judith décapitant Holopherne du Caravage, celle d’Orazio et celle d’Artemisia Gentileschi. On voit tout de suite l’énorme différence entre toutes ces œuvres sur le même sujet : Caravage demeure souvent entre deux mondes - celui dont il hérite (le monde Raphaël et de ses suiveurs) et celui qu’il invente avec un réalisme forcé (mais aussi sensiblement faussé) : sa Judith est d’une beauté rayonnante, celle d’Artemisia est plus proche du portrait d’une femme en pied accomplissant une action. L’Eglise joue un rôle éminent dans cette affaire puisque, avant le Concile de Trente, elle a déjà voulu entreprendre une réforme qui passait par la représentation sacrée.
Elle a cru que Caravage aurait être son émissaire en se présentant comme un précurseur de génie dans cette perspective - il le fut d’ailleurs, mais sa vie pleine d’embûches l’a fait jeter hors de l’ordre de Malte. Cependant, son modèle s’est imposé dans presque toute l’Italie, sauf, peut-être à Venise, et puis à des degrés divers selon les lieux (je pense à l’école bolonaise avec le poids des frères Carrache). Grâce à Olivier Bonfait, le lecteur est amené à comprendre les diverses problématiques associées à cette révolution ecclésiale qui a été en même temps une révolution formelle. Il serait bon aujourd’hui de faire se confronter l’esprit du Caravage avec le baroque, qui devrait être la négation de son ambition plastique, mais qui, dans les faits, a pu s’accommoder, en faisant le grand écart, de ses successeurs !

 

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