avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute

La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire

Bibliothèque de l’amateur d’art par Gérard-Georges Lemaire
Adieu à l’Italie, Bruno Racine, Gallimard, 104 p., 11,90 €.

Médité par un ancien directeur de la Villa Médicis, Bruno Racine, ce roman repose sur la biographie du peintre aixois François Marius Granet, qui a donné son nom au musée de la ville. L’auteur a choisi non de nous relater l’existence du peintre en coupe réglée, mais plutôt de prendre appui sur deux tableaux qu’il a composés à la fin de la vie. Le premier s’intitule Une messe sous la Terreur (1847), qui se trouve aujourd’hui dans son musée. Il l’a exécuté à l’époque où meurt son épouse et où il rédige son testament. Cet artiste somme tout assez conventionnel a fait une belle carrière et est devenu membre de l’Institut et conservateur des musées de France. Par fines touches, Bruno Racine reconstitue sa carrière, mais surtout sa personnalité, ses relations, son amitié pour Ingres. Il expose les raisons de l’amour profond qu’il manifeste pour la Ville éternelle où il séjourne à plusieurs reprises jusqu’en 1830. Il le replace aussi dans le contexte historique et politique de son temps. En somme, il donne consistance à de ce personnage que nous avons presque oublié et qui a collaboré avec l’oncle de Napoléon, le cardinal Fesch, le plus grand collectionneur d es on temps en vue de la création d’un nouveau musée qui ne verra pas le jour. Son second tableau révèle sa nature intime, ses contradictions, comme homme, comme artiste, comme homme de foi : il s’agit du Service funèbre pour Madame Granet (1848, ville d’Aix). La lecture détaillée et originale de ces deux œuvres a permis à Bruno Racine de camper une figure importante de l’art du XIXe siècle et aussi de le place dans la perspective d’une fiction, qui est celle d’un être qui a eu de grandes responsabilités dans le monde de la culture (il a été aussi président du Centre Georges Pompidou), qui s’interroge à travers son héros sur le lègue qui peut être celui de quelqu’un de profondément attaché aux institutions sans pourtant cessé de mener une activité créatrice originale.

*

Bibliothèque de l’amateur d’art par Gérard-Georges Lemaire
Emmanuel Saulnier, condition d’existence, Doris von Drathen/Amaury Da Cunha, Editions du Regard, 144 p., 32 €.

Emmanuel Saulnier, quand je l’ai rencontré pour la première fois, il y a longtemps maintenant, si longtemps qu’il m’a oublié tout à fait, était un artiste qui travaillait surtout sur le verre. Il composait des sculpture (le terme est peut-être inapproprié) dans ce matériau. Puis son œuvre s’élargie. Elle s’est développée en retenant différentes leçons de l’histoire de l’art récente, en particulier l’Arte Povera, le Land Art et Supports/Surfaces. Ce qui signifie que même si elle joue simultanément sur plusieurs registres, son œuvre est toujours sous-tendue par une logique très tendue. Il n’a pas complètement renoncé à l’effacement du geste artistique qui était inhérent à l’usage du verre (Kosuth a d’ailleurs fait une sculpture de ce genre à la fondation Gori à Pistoia) paraissant aller dans ce sens). Il est clair néanmoins que l’affirmation de l’action et de la pensée de l’artiste s’exerce ad minima, comme si l’apparition des formes était toujours liée à un désir de disparition. Avec des moyens par conséquents assez réduits (sans pourtant être minimalistes), les pièces d’Emmanuel Saulnier n’en sont pas moins suggestives et intrigantes. Elles projettent dans l’espace des chaînes (des objets emboîtés les uns dans les autres et qui se répètent sur une longueur plus ou moins importante, ou comme l’installation Cienfuego (au Chili) où des suites d’anneaux reliés les uns aux autres par trois sont éclairés, donnant ainsi l’idée d’un chemin lumineux tracés selon des critères strictement imaginaires au milieu d’un escalier de Santiago. En somme, on trouve chez cet artiste qui a toujours préféré le volume aux formes planes une ambition discrète, qui est de ce fait très efficace car elle ne cherche ni à scandaliser ni à donner l’équivalent des grandes eaux à Versailles dans un langage ultramoderne. C’est une œuvre toujours à découvrir avec une grande attention, et une vraie passion pour ce que peut-être la réalité de l’événement artistique, s’il existe !

 

précédent 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 suite


 
 
visuelimage