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La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire

I

ARTS ANCIENS & MODERNES

DALI FOR EVER

Salvador Dalì, double image, double vie, Thierry Dufrêne, Hazan, 188 p., 27 €.
La Vie secrète de Salvador Dalì, adaptation française de Michel Déon, « L’Imaginaire », Gallimard, 450 p., 11,90 €.
Dalì, le grand paranoïaque, Jean-Louis Gaillemin, « Découvertes », Gallimard, 160 p., 14,70 €.

L’exposition de Salvador Dalì au Centre Pompidou est à la fois bien faite et pourtant décevante. Sans doute, le visiteur a-t-il pu voir les œuvres les plus connues de l’artiste et aussi de nombreux exemples de sa production graphique, son œuvre d’illustrateur et quelques uns de ses objets et fantaisies en trois dimensions. Mais il manque quelque chose à cette exposition : une vraie mise en perspective de son histoire. On a le sentiment que les commissaires ont voulu mettre l’accent sur le Dalì « bête de scène », qu’il présente comme le précurseur du happening. C’est une vision historique bien française et bien limitée. Il y aurait eu à montrer tellement d’autres choses, ne serait-ce qu’à partir de son pastiche connu de L’Angélus de J.-F. Millet ! Ici, tout est réduit à de la documentation... L’exiguïté de l’espace et l’absence d’imagination a réduit Dalì à quelques poncifs déjà bien ancrés dans l’esprit de tous.

Comme c’est toujours le cas, cette manifestation destinée à remonter les finances du Centre Pompidou a donné lieu à la publication ou à la réédition de nombreux ouvrages. Salvador Dalì, Double image, double vie de Thierry Dufrêne est présenté comme une biographie. Il ne s’agit pas exactement de ça. C’est plus exactement un parcours de l’artiste, choisi avec soin, ne retenant que des points précis, qui permet de montrer comment les pensées et les actions du l’auteur du Grand masturbateur se sont articulées au fil du temps. Ce regard synoptique est tout à fait passionnant car, s’il laisse pas de choses de côté, a malgré tout le mérite de bien mettre en exergue ce qu’il a accompli d’important. C’est aussi un portrait, qu’on approuvera ou non. Mais voilà en tout cas un livre libéré justement des entraves de la biographie qui fait perdre le fil d’un destin. C’est certainement le meilleur ouvrage paru à cette occasion.

Salvador Dalì écrivain aurait mérité une section à part, et largement développée. Il a su démontrer des talents de romancier (Visage caché), de polémiste (les Cocus du vieil art moderne), et ses autobiographies sont un peu un mélange de genre assez curieux. La Vie secrète de Salvador Dalì, depuis longtemps introuvable, est un étrange cocktail de mégalomanie (d’autant plus risible qu’elle est exagérément prononcée) et de subtilités. L’artiste a inclus dans son livre des rêves ou des visions qu’il commente, qu’il étudie avec minutie dans ses propres termes psychanalytiques, qui sont de petites merveilles. Toute la question avec lui est de savoir si le lecteur accepte de se prendre à son jeu ou non. S’il le fait, il peut se divertir tout découvrant Dali`, qui nous offre toutes les clefs de son iconographie. Au fond, sous une forme divertissante et échevelée il nous offre ici la grande encyclopédie de son univers esthétique !

Je ne saurais trop recommander au néophyte l’excellente étude de Jean-Louis Gaillemin dans la collection « Découvertes » (Gallimard) qui vient d’être republiée. C’est une belle approche de cette personnalité complexe, qui a joué sur des registres troubles, entre le goût du spectacle et même de la publicité et une réflexion singulière et profonde sur les mécanismes de la création artistique. Sans doute l’un ne pouvait-il pas aller sans l’autre. Une des grandes qualités de ce livre est d’avoir mis l’accent sur Dali écrivain, ami intime du grand poète Frederico Garcia Lorca, auteur d’une Ode en son honneur. Cette amitié très étroite est sans doute une des clefs pour pénétrer dans l’univers pour le moins labyrinthique de Dalì...

 

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