avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 94
N°Verso : 68
La chronique d'Amélie Adamo
Titre : Gérard Schlosser. Les dessous du sensible.
Auteur(s) : par Amélie Adamo
Date : 24/07/2013



Gérard Schlosser. Les dessous du sensible.
par Amélie Adamo

            C’est toujours la même chose.
            Et puis arriva ce qui devait arriver. Un beau matin, madame Pomme s’éclipsa.
            Il n’osait pas y croire. Une vraie série noire.
            Alors pendant un temps, il grinça des dents, dans l’attente d’une lettre, d’un appel. Car ça se passe toujours comme ça dans l’amour romancé. Un drame au téléphone, un départ d’encre salée.
            Mais là, rien de rien de la Belle. Que le lit froid et vide.
            Il n’osait pas y croire. Une vraie série noire.
            Alors pendant un temps, il se fit mauvais sang. Il se disait qu’en ville, on l’avait kidnappée. Ou qu’elle s’était noyée lors d’une virée en mer. Ou bien peut être perdue au fond d’une forêt.
            Il en devenait fou. Il la cherchait partout.
            Dans tous les lieux qui jadis avaient bercés leur idylle. Dans les bars, les parcs, les moindres recoins de la ville. Sur toutes les routes qu’ils avaient empruntées. De la mer à la campagne, en voiture et à pied.
            Mais là, rien de rien de la Belle. Que des endroits froids et vides.
            Désespéré, dépité, hagard, il erra ainsi longtemps. Très longtemps. Avec un air pathétique de romantique apathique, comme s’il cherchait dans la nature un air thérapeutique pour venir apaiser son trouble mélancolique. Il scrutait chaque brin d’herbe dans les plaines, chaque grain de sable sur la plage, chaque goutte d’eau dans la mer, pensant peut être, ma foi, qu’il y retrouvait sa dame.
            Il erra ainsi longtemps. Très longtemps. Jusqu’à ce que ses pieds s’arriment au paysage. Jusqu’à ce que ses yeux se fondent dans le rivage. Le ciel dans la paupière, l’horizon frôlant son pantalon, son corps dans l’univers, l’univers dans le corps.
            Et puis ça arriva. Allez savoir pourquoi, le rêve parfois c’est plus vrai qu’on ne croit.
            La nature sembla s’animer, se muer en forme humanoïde. Comme une présence mystérieuse. Jadis, cela aurait été un message des dieux de la mer ou des esprits de la forêt. Mais pour lui aujourd’hui, c’était autre chose. Bien plus présent. C’était évident. C’était l’amour de madame Pomme. De la mer à la terre, c’est elle qu’il ressentait. Tout transpirait son odeur. Tout rappelait son corps. Comme si les éléments s’unissaient dans une étreinte cosmique aux spasmes telluriques. Et que le temps lui-même, devant tant de beauté, en avait le souffle coupé, avec dans sa gorge nouée : mémoire et instant coincés.
            Sur la plaine, les herbes étaient couchées sous les lèvres du vent. Et le vent s’arrêta pour regarder passer le soleil. Et le soleil baissa doucement son museau pour effleurer la mer. Et la mer embrassée, jouissance montante, en orgasme déferla dans une giclée d’écume, avant de se figer comme une peau marbrée dans les bras de la terre. La terre humide, touchée par la marée, luisait comme une toison d’or et s’ouvrait lentement, tel un triptyque vivant. C’est là, petit trésor caché entre deux chaudes cuisses, qu’il découvrit sous les nues : un petit sexe fendu.

 

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