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ID : 101
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : De la gestation au geste
Auteur(s) : par Lorenzo Vinciguerra
Date : 07/10/2013



De la gestation au geste
par Lorenzo Vinciguerra

Les grands marqueurs de cette histoire ont été, avec Cézanne, les aplats de Manet et les découpages dans la couleur de Matisse. Tout comme le Pop américain, inspiré de Duchamp, s’était opposé à l’école new-yorkaise de l’expressionnisme abstrait, inversement les peintres français de Supports/Surfaces réagissaient à leur manière aux tendances du nouveau réalisme et du pop français des années soixante. À partir de là, l’œuvre d’Arnal a très vite exploré de d’autres territoires, à la fois inédits et anciens, évoluant selon un parcours qui frappe par sa cohérence et la conscience qu’elle a acquise d’elle-même. Par ses aspects les plus matérielles, cette œuvre nous renvoie à ce que Merleau-Ponty appelait « le fondamental de la peinture et peut-être de toute culture »[5].

I. INVISIBLE BIEN QUE SENSIBLE

Contrairement à l’écrivain, le peintre n’a jamais pu compter sur un vocabulaire préformé, puisque, à la différence de la parole, cet art ne peut s’appuyer sur ce que les linguistes ont appelé la double articulation. On lui trouverait bien difficilement l’équivalent du double étagement que constituent le plan des mots et le plan de la phrase[6]. Puisqu’il ne possède pas d’unités sémiques préformées préexistantes à son langage, le peintre doit se donner les moyens de forger ses propres signes. C’est ainsi que, recourant malgré tout à une métaphore linguistique, Arnal en appelle à un vocabulaire. À lui de le faire émerger du continuum de la matière, de puiser à une « nappe de sens brut »[7]. On l’appellera le problème de la forme : « le dessin, écrit Arnal, n’est pas une écriture linguistique, mais topologique, c’est-à-dire qui donne un sens à l’espace qui la supporte, autant qu’au signe qu’elle figure »[8]. C’est la première tâche à laquelle il s’emploie.

Ce vocabulaire se compose d’unités fragmentaires, faites de papiers maculés, aux rythmes aléatoires, d’abord collés, puis décollés, enfin recollés. Elles sont destinées à supporter des opérations d’assemblages, d’agencements, de composition, de mise en série par des procédés de surimpression à l’aide de nouveaux marqueurs ou d’instruments détournés de leur premier usage : tubes, boîtes cylindriques, rouleaux à pâtisserie… Ce lexique en pièces détachées n’est fait que pour intégrer une syntaxe, au gré de dispositions, articulations et autres structures de surface, appliquées à un nouveau support. Ce dernier est autant un espace synoptique d’inscription, qu’un espace de lecture fait de répétitions, superpositions, successions, variations.

[5] L’Œil et l’Esprit, p. 15
[6] Cf. Louis Marin, Études sémiologiques. Écritures, peintures, Klincksieck, Paris 1971, p. 22.
[7] L’Œil et l’Esprit, p. 13.
[8] André-Pierre Arnal, Entretien en soi, p. 41.

 

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