avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 105
N°Verso : 70
L'artiste du mois : Véronique Bigo
Titre : Les « Vera icona » de Véronique Bigo
Auteur(s) : par Thierry le Gall
Date : 11/11/2013



Url : www.silo-marseille.fr
Véronique Bigo
La Voleuse d'Objets

Exposition au Silo (Marseille)
35 Quai du Lazaret, 13002 Marseille
14 septembre - 23 décembre 2013

Les « Vera icona » de Véronique Bigo
par Thierry le Gall

C'est sur ce terrain aride, en marge de tous les courants, où la figuration veut transcender le visible, c'est sur ce chemin exigeant qui prend le monde sensible non pour fin mais pour vecteur, sur cette voie de la représentation qui propose non pas l'illusion mais une recherche plastique puissante des plus hautes vertus, c'est enfin - pour faire référence à Gide et à la mystique médiévale - par cette Porte étroite, que s'engage le travail de Véronique Bigo.
Faut-il émettre des hypothèses quant aux causes d'une pareille exigence ? Aujourd'hui il peut paraître obsolète de fouiller l'histoire ou l'inconscient familial d'une artiste dans l'espoir de définir une génétique de son œuvre. Il n'empêche ! L'histoire de Véronique et de la peinture est tissée d'un réseau de correspondances ; elle ressemble à la force du destin telle que la décrivent les mythes et les légendes.

Sainte Véronique est la patronne des photographes, m'apprend notre Véronique. Voilà une nouvelle que je découvre comme une évidence : « Véronique » dérive étymologiquement de vera icona, que l'on peut provisoirement traduire par « vraie image » ; tel est le sens adopté par les photographes qui opposaient l'authenticité de leurs images à l'éventuelle subjectivité de celles composées par les peintres : cela s'est passé devant l'appareil, nous a dit Roland Barthes. Or l'appareil est « objectif » ! Toutefois, longtemps avant l'invention de la photographie et les problématiques qu'elle généra quant au statut de la représentation, l'histoire de Véronique est une légende chrétienne des premiers siècles, adoptée par l'Eglise bien qu'issue d'un écrit apocryphe. Véronique n'a de nom, pour l'histoire, qu'à partir du moment où elle se penche sur le Christ portant sa croix et ôte le voile de lin qui couvrait sa propre tête pour éponger son visage. Par miracle - quoi d'autre ? -, le sang et la sueur mêlés s'impriment sur le lin et dessinent le vrai portrait, la vera icona du visage de Jésus. Icona, du grec eikon. On réalise ici la faiblesse de la traduction d'eikon par « image ». Cette eikon est en effet doublement sacrée : d'une part du fait de la personne représentée, puisqu'il s'agit du vrai portrait de Dieu, fût-ce en sa stase incarnée. D'autre part, la loi mosaïque ayant commandé au peuple hébreu qu'il n'adorera pas d'idoles, un portrait de Dieu peint de main d'homme est, au début de l'ère chrétienne, inconcevable. Voilà pourquoi l'eikon du Christ s'est imprimée sur le lin de Véronique sans intervention d'un peintre. C'est une image miraculeuse, acheiropoïète - le mot est créé pour elle : non fabriquée de main d'homme. Le voile de Véronique porte une double trace ; celle de la présence divine, « Dieu était là », dirait Barthes, « le voile en rend compte » ; celle de la volonté divine, car qui d'autre eût accompli le miracle ?

 

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