avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 105
N°Verso : 70
L'artiste du mois : Véronique Bigo
Titre : Les « Vera icona » de Véronique Bigo
Auteur(s) : par Thierry le Gall
Date : 11/11/2013



Url : www.silo-marseille.fr
Véronique Bigo
La Voleuse d'Objets

Exposition au Silo (Marseille)
35 Quai du Lazaret, 13002 Marseille
14 septembre - 23 décembre 2013

Les « Vera icona » de Véronique Bigo
par Thierry le Gall

Dans un premier temps, Véronique Bigo déshabille ses objets de leur vêtement de couleur ; livre la nudité de leurs formes. Elle supprime le spectacle - premier écran. Mais la forme est encore un peu apparence. La surface des corps est encore surface. Pour que l'objet devienne peu à peu autre chose qu'un objet, Véronique lui demande davantage : elle veut qu'il livre son intimité, son invisible intérieur, sa troisième dimension. Peintre, elle lui propose la transparence. La transparence qui dénie toute superficialité, qui transgresse la notion de frontière liée à celle de surface, qui invite à franchir dans l'axe de la profondeur la barrière du motif. Derrière les gris on voit le lin, l'océan du lin où flotte la représentation diaphane d'un objet ; ce que l'on voit à travers l'objet ne procède plus de la vue, mais de la vision ; c'est un « ça » qui appelle un regard profond, un plongeon dans le grand bleu de la toile. Etymologiquement, « per-spective » signifie vision traversante. Telle est précisément la perspective que nous ouvre Véronique Bigo : une vision traversante.

A l'opposé d'une perspective picturale pensée comme construction illusionniste d'un espace profond, elle instaure une aesthesis - une sensation visuelle - qui situe la troisième dimension dans l'épaisseur « phantastique » de la toile, une esthétique ouvrant un espace qui échappe à l'immédiateté des sens. Derrière l'objet, autour de lui, la présence insistante de la toile de lin, de cette lacune de peinture, s'impose ainsi comme dimension essentielle de l'œuvre et, non satisfaite d'envahir les fonds, elle remonte à la surface, s'introduit au cœur même de l'objet, comme la marée dans les ports, par des entrées ouvertes en son contour ; cette toile nue qui pourrait attendre le pinceau, toile apparente où d'autres images sont encore possibles, où fermentent des tâches et des grains de peinture invisibles, cette toile primale et fondamentale convoque « l'à venir » visuel autant qu'elle appelle la mémoire d'objets engloutis par l'Histoire ; nous avions compris que la troisième dimension de la perspective instaurée par Véronique Bigo échappe aux règles de la géométrie ; nous sentons à présent qu'elle emprunte, pour nous emporter nos regards au-delà de l'espace physique, l'axe du temps. Temps du mythe, temps du monde, temps du peintre, temps du regard : tel est le rythme de ses histoires.

Les fictions qu'elle nous donne à élaborer à partir de ses œuvres ne sont donc pas des histoires réglées par un temps linéaire au déroulement uniforme. Elles seraient plutôt régies par des correspondances, des rencontres entre différentes modalités temporelles qui interagissent à la surface de la toile et la fécondent. « J'ai quand même poussé dans le lin », dit-elle : fécondation du temps du peintre pénétré, comme nous allons le voir, du temps du mythe.

 

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