Guyomard, le peintre de notre société
par Pierre Brana
En 1977, il rejoint ses camarades de la Figuration narrative (sa famille plus ou moins proche) avec, il est vrai, de nombreux autres artistes (84 au total) à la célébrissime exposition « Mythologies quotidiennes 2 » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Il y présente plusieurs toiles : Quelque part entre elle et lui, où le rapprochement de divers objets de sports, du vélo à la raquette, m’avait intrigué et La casquette celte avec ses remerciements, dont je me souviens du beau fond bleu qu’il utilisait beaucoup à cette époque.
En 1979, après une éclipse due au décès de sa femme, il revient à la peinture avec la Série blanche où, comme son nom l’indique, la couleur blanche domine. Un rien provocateur, Gérard Guyomard aime bien désarçonner ses collectionneurs. Plus tard, en 1985, il les heurtera même de plein fouet avec la Série jaune puisque l’on sait que cette couleur (5) n’a guère la faveur du public et encore moins celle des amateurs d’art, bien que le jaune lumineux qu’il utilise ne me paraît pas mériter cet ostracisme.
Pour en revenir à la Série blanche, un tableau s’en détache, Par la fenêtre, c’est Bonnard : un intérieur blanc d’appartement avec deux fenêtres en oblique donnant sur un jardin luxuriant aux couleurs à la Bonnard. Une œuvre étonnante en rupture avec le parcours jusqu’alors de l’artiste.
Au début de la décennie 80, changement de décor. Il passe à la nuit parisienne avec la série De la rue Montorgueil à la rue Saint-Denis via la rue du bout du monde. Des couleurs vives sur fond sombre – lumières publicitaires du Paris nocturne – entre lesquelles circulent de petites silhouettes aux contours blancs ou luminescents. Atmosphère familière pour le peintre qui habite alors dans ce quartier de la rue Montorgueil. Il écrit « les flashes info se projettent sur la toile ou le papier : l’ambiance se crée, les structures s’organisent, je provoque pour que l’ensemble s’élabore. Douloureusement, patiemment, j’agite mon pinceau, projette ma couleur, l’œuvre s’achemine très lentement pour devenir magique, ludique : la vie quoi ! »
En 1984, nouvelle série au titre mélancolique, sinon désabusé : Au-delà de cette limite votre vision n’est plus valable. Allusion, certes, à la formule du métro parisien « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable », mais peut-être aussi au livre de Romain Gary, portant ce même titre, sur les méfaits de l’âge et les limites de la vie sexuelle…L’année après, beaucoup plus joyeux, Gérard Guyomard réalise une ludique ronde enfantine en relief, composée de fibres de verre, pour orner un pignon de la maternité de l’hôpital Lariboisière. Un galop d’essai vers la sculpture.
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