avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 131
N°Verso : 87
L'artiste du mois : France Mitrofanoff
Titre : France Mitrofanoff, ou la plénitude du sensible
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 01/10/2015



La prochaine exposition de France Mitrofanoff, à la galerie Orenda, 54 rue de Verneuil, du 8 octobre au 14 novembre, sous le titre Cheminements, est une occasion pour Verso de faire le point sur cette grande artiste, ancien professeur à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, en suivant ses cheminements dans la peinture.

France Mitrofanoff, ou la plénitude du sensible
par Jean-Luc Chalumeau

France Mitrofanoff ne peint certes pas son autoportrait, et pourtant, c’est bien elle qui est là, dans Arbres de pierre à dominante bleue aussi bien que dans Lune couleur rouille à dominante rouge (il y a chez elle des forêts « chaudes » et des forêts « froides »), c’est-à-dire dans un monde auquel ses œuvres donnent accès : elle est là, puisque ce monde, c’est elle-même.

Les œuvres de Mitrofanoff sont encore vraies par rapport au réel, et c’est bien au réel qu’il nous faut mesurer la vérité de l’objet esthétique. Il s’agit du contenu de la peinture, dans lequel nous trouvons à la fois un monde exprimé et un monde représenté. L’artiste sait bien que la représentation n’est pas le but de l’art (elle ne fait rien pour que nous puissions identifier de quels lieux elle est partie), car le tableau ne représente que pour exprimer. Disons que l’expression suscite la représentation parce qu’ici, elle a besoin d’elle. L’art ne démontre jamais (cela est réservé à la science), mais il montre, ce qui ne veut surtout pas dire qu’il doit être réaliste, pas plus que ne l’était l’art chinois classique auquel elle s’intéresse beaucoup. Devant La vie, rien que la vie ou Brossaille, je songe à Li Chan qui, dans la première moitié du XVIIIe siècle, peignait ses admirables Bambous dans la brume qui étaient tout sauf réalistes, mais dont le pouvoir d’évocation de la vérité des bambous était extraordinaire.

Lorsque France Mitrofanoff peint l’ Arbre berceuse par exemple, non seulement elle parvient à extérioriser un mouvement, mais elle nous conduit vers le principe des choses à l’intérieur d’elles-mêmes. Voilà une œuvre proche de la musique, dont le mouvement n’est pas fuite hors de soi, mais déploiement d’une temporalité.

Il y a, dans les robustes, les massives forêts de Mitrofanoff (Obscure clarté par exemple) comme la réinvention du principe des stylisations romanes figurées par les draperies du Christ de Vézelay. Dans un cas comme dans l’autre, une immobilité géométrisée est principe de mouvement. Le mouvement n’est en rien une copie, il est réinventé par des moyens spécifiquement plastiques.

 

précédent 1 2 3 suite


Verso n°87
 
 
visuelimage