avec le soutien éclat ou éclat
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ID : 133
N°Verso : 89
L'artiste du mois : Solange Galazzo
Titre : Le microcosme onirique de Solange Galazzo
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 30/12/2015



Url : solangegalazzo2014.com

Solange Galazzo est peintre, rien que peintre, et il n’est pas utile de demander quel genre de peinture elle pratique : il y a des villes, des paysages, des figures dans son œuvre, des hommes, des femmes et des anges, des nuits aussi, exposées naguère chez Lélia Mordoch qui avait trouvé une jolie formule pour les présenter : « Poétique et mystérieuse, Solange Galazzo se joue de l’obscurité telle une princesse des ténèbres au pinceau de lumière ». Depuis lors, elle a exposé ses travaux sur toile notamment au Mexique (Musée Régional d’Art et de Culture de Querétaro) mais aussi ses peintures sur céramique au Couvent des Cordeliers de Châteauroux. Aujourd’hui, elle poursuit silencieusement son œuvre dans son vaste atelier normand. On n’en dira pas plus sur cette « princesse des ténèbres » car la vérité de son œuvre est dans l’œuvre et non point dans les circonstances de la création, dans la personnalité de son auteur ou dans le projet qui y préside. Gérard-Georges Lemaire, qui accompagne sa création depuis longtemps, donne ci-dessous quelques clefs pour en approcher la vérité.

J.-L. C.

Le microcosme onirique de Solange Galazzo
par Gérard-Georges Lemaire

Il avait un curieux mélange de sauvagerie dans les teintes et les formes et d’ordre dans de subtils arrangements décoratifs. L’une ne saurait d’ailleurs exister sans l’autre. Vassili Kandinsky avait su apprendre qu’il ne fallait pas placer de frontières entre les arts, ceux qu’on dit majeurs et ceux qu’on déclare mineurs (les artistes de l’Art nouveau comme ceux des diverses Sécessions d’Europe centrale avaient déjà établi ce principe dans une optique bien lointaine de celle du peintre russe). Il l’apprend aussi bien dans les isbas de son pays natal qu’avec la tradition de la peinture sur verre en Bavière avant d’aller découvrir l’étape décisive de l’abstraction en Afrique du Nord.
Solange Galazzo ne cultive ni l’impression de déjà vu ni une sorte de nostalgie secrète pour ce qui appartient déjà au passé. Au contraire. Elle s’est emparée de tout ce qui pouvait lui être utile dans ce jadis fiévreux pour imaginer des représentations à la fois audacieuses et sensuelles. Il est évident qu’elle n’alla rien puiser dans le cubisme ou dans le néoplasticisme. C’était l’inverse de ce qu’elle pouvait aimer. Elle a choisi d’être plus proche du Douanier Rousseau que de Braque, de Chaïm Soutine que des suprématistes, de Matisse que de Juan Gris. Elle est portée sur le versant de l’excès et de la démesure, du dionysiaque et non de l’apollinien, sauf en de rares occasions. Au risque de choquer les amateurs de rapports minimalistes. Il n’est rien dans sa peinture qui ne soit un excès ou une extravagance. Mais ce qu’elle inscrit avec passion sur la surface de la toile est paradoxalement bien mesuré et parfaitement en équilibre. En sorte que ses débordements sont assez contenus pour ne pas être une pure ivresse, mais aussi une suggestion de luxe, calme et volupté, comme le suggérait le poète.
Elle est épicurienne au plein sens du terme : ce n’est pas la seule jouissance qu’elle recherche, mais une pleine adhésion au vivant et à la dynamique des astres qui nous dominent, une intelligence des trois règnes terrestres dont elle fait partie intégrante et enfin une affirmation de sa féminité, sans fausse pudeur, mais sans non plus d’effronterie ou de ressentiment. Mais elle n’a pas le besoin, comme l’ont eu Berthe Morisot, May Cassatt ou Eva Gonzalès de se réfugier dans l’intimité familiale pour être une femme. Elle n’a pas été tentée de relater son autobiographie comme Frida Kalho. En tout cas pas d’une manière directe et explicite. S’il fallait la rapprocher d’un peintre du beau sexe, ce serait peut-être de Georgia O’Keeffe. Et aussi de Rosa Bonheur, non pour les sujets et leur traitement, loin s’en faut, mais pour la force, l’énergie, de la liberté de s’affirmer telle qu’en elle-même la peinture la change.

 

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