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ID : 139
N°Verso : 94
L'artiste de l'été : Marina Nakicenovic
Titre : Marina Nakicenovic, une artiste d'exception
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 29/06/2016



Marina Nakicenovic, une artiste d'exception
par Jean-Luc Chalumeau

Marina Nakicenovic vit et travaille à Belgrade. Son atelier (un petit deux pièces qu’elle a aménagé dans un assez triste immeuble des années 60) déborde de ses travaux actuels : ni des sculptures ni des peintures mais certainement les deux à la fois, et accumule aussi les matériaux qu’elle utilise : objets métalliques de récupération d’une incroyable variété (clefs, vis, écrous, clous, chaînes etc…) J’ai rencontré Marina pour la première fois en 1991, à l’occasion du Salon d’automne de Belgrade où j’avais été frappé par son envoi. C’était un splendide tableau modestement intitulé La Miche de Pain (90 x 65 cm, huile sur bois, 1989). Elle y rendait hommage à certains des peintres qu’elle aime : Le Caravage, à qui elle empruntait la miche de pain placée dans un panier sur un buffet, Giorgione aussi, dont une moitié de La Tempête décorait une des deux portes du buffet. L’autre porte, ouverte, ne laissait apparaître que l’obscurité d’un vide : noire frontalité d’une surface abstraite qui faisait irrésistiblement penser à la Porte-Fenêtre de Matisse. On retrouvait la miche du Caravage sur une petite table à côté de Marguerite Yourcenar dans un autre extraordinaire tableau, dans lequel Marina Nakicenovic exprimait ses affinités profondes avec l’écrivaine française (Le Sourire de Marguerite Yourcenar, huile sur toile 170 x 100 cm, 1990). Ce tableau lui avait valu le prix du Centre culturel français de Belgrade en 1991, et La Miche de Pain avait entraîné une invitation de la Mairie de Paris pour une exposition personnelle au Carré des Arts du Parc Floral de Paris au printemps 1992.

Vingt-cinq ans ont passé, et je suis donc revenu à Belgrade voir l’évolution spectaculaire de l’œuvre de Marina Nakicenovic, grande artiste serbe malheureusement méconnue. Le plus bouleversant de ses travaux en cours a été pour moi Elle connaît. Sur une lourde plaque d’acier, l’artiste a reconstitué, exclusivement à l’aide de petits objets métalliques et de fragments peints, Les Ménines de Velasquez. La petite infante Marguerite « connaît » le secret du plus mystérieux tableau du monde, que Nakicenovic revisite, après tant d’autres, avec des moyens radicalement neufs. Je prie mes lecteurs et mes lectrices de bien vouloir cliquer sur les vingt-quatre images de ce dossier : après Elle connaît, ils verront Le Couturier, hommage à Vermeer en train de méditer son Art de la peinture, ou bien ces fascinants Trois visages dont l’un est construit à partir d’une simple clef. Il y a un quart de siècle, j’avais fait allusion, à propos de Marina, à Peter Handke parlant des « choses tout à fait normales que Cézanne avait placées dans la lumière de l’exceptionnel ». Il était déjà vrai, alors, que Nakicenovic avait le don de choisir des choses hypothétiquement « normales » qu’elle baignait en effet dans la lumière de l’exceptionnel. Eh bien, il me semble c’est cent fois plus vrai aujourd’hui. Il est urgent de redécouvrir cette artiste d’exception.

Pour joindre Marina Nakicenovic : djusidju@gmail.com

 




Verso n°94
L'artiste de l'été : Marina Nakicenovic
 
 
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