Les artistes et les expos


Suivre une luciole (Virginie Le Touze)

par Sophie Braganti

Un jour à la galerie Soardi, une exposition collective, « Peau d’âne ». Une photographie occupait tout l’espace tant sa simplicité et son épure s’imposaient. Percussion avec un travail qui adopte la lenteur et la beauté, une peau neuve qui n’en finit pas de muer. Un bras tendu. Une ligne d’horizon de peau avec à son extrémité, la main offerte qui n’agite aucune tension, ne montre rien. Une ligne pour que se posent les oiseaux, les mots, le silence, les baisers. J’avais pris plusieurs dépliants qui tenaient lieu d’Invitation, avec la photographie de VLT en première page qui se dépliait dans son entier. Je les utilisais pour écrire des lettres. Mes mots couraient le long du bras comme des fourmis, puis tout autour.

Elle prend des cours de chant. En tire une Hyperchansond’A à propositions variables. Des dizaines de fragments enfilés. Solo ou à deux voix ( Elle d’un jour. Elle d’un autre jour ). Elle coupe, elle trie, elle colle. Grave. Aiguë. Ne garde de l’enfance que ce que peu d’adultes savent conserver. Intégrité et intégralité de la force du désir. Ni infantilisation, ni puérilité, ni naïveté. Chaque chose se fait avec sérieux et attention et précaution. Peu importe le risque et l’impatience.

Mais comment est-ce possible d’y incorporer des bribes de flânerie, de rêverie et de contemplation. La plage, les rues de Nice et de l’arrière-pays, un sentier en friches, un vallon humide, une euphorbe sur un balcon. Le travail se développe, disons plutôt, se déploie par le truchement des performances. Alors le personnage selon le rôle, s’habille de tissus glamour, ou bien avec le noir de la Magnani, se maquille comme les femmes d’avant, ou pas, en restant accessible. Talons aiguilles pour déambulations et poses mal assurées, échappent ainsi à l’imitation. Le registre d’emprunt est infini pour un « work in proregress », qui semble une marque de fabrique. Des propositions revisitées et revisitables. VLT joue comme une chanteuse, chante comme une actrice, se glisse dans des panoplies de femme fatale, de flingueuse, de fraîcheur et d’humour, dans la violente douceur d’être au monde. Oiseau de parodie. Eternelle amoureuse avec dans l’œil un grain de sable. Sirène perturbée. Charme d’une alarme. Une Insomnie avec Rezvani. Vidéo. Douceur d’une nostalgie et d’une attente rosée. Une douce tristesse altérée par la joie de la pensée de l’absent.

Puis Larmes de quoi. Une autre vidéo silencieuse, le goutte à goutte dans un oeil ouvert de femme qu’elle filme, pour un supplice chinois consenti. Dort-elle sur un lit de roses. Le temps prend le temps. Cri de mouette sur miaulement feint, on imagine.

Des objets organisent ses espaces. Elle chine, elle cueille, elle guette, elle traque, elle oublie, va, vient, revient. Réinvente un bonnet de bain, un sapin de Noël, un morceau de Satie, un foulard, trois riens, trois fois rien. Elle dessine. Elle dessine des fleurs, des ombres sur des branches, un sentier, des feuillages comme un pan de mur qui fut vert. Elle se fiche des concepts discursifs et des élucubrations pseudo avant-gardistes qui finissent par ringardiser les œuvres. La beauté est bien de ce monde. Et alors. Et l’étonnement avec.

Les artistes et les expos : Suivre une luciole (Virginie Le Touze) par Sophie Braganti
Accéder au travail de Virgine Le Touze
mis en ligne le 11/05/2010
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