Les artistes et les expos


Suivre une luciole (Virginie Le Touze)

par Sophie Braganti

Le cinéma muet lui offre ses cartons ou ses intertextes. D’ici et d’ailleurs. Elle concède au hasard le grain de sa voix et des émotions comme sur un cheval à bascule. C’est à peu près tout. L’art du décalage et de la joie, on le trouve à son acmé dans la vidéo Euphorbia, où elle filme, elle joue avec Eric Duyckaerts, un scénario à dormir dehors. Coucher dedans. La caméra en a le vertige, la tremblote. Les cadrages sont pris dans un maillage hilarant. Dérapages de l’œil, des regards, des voix, de l’image, des lois de l’apesanteur. Jeux de mains malins. Ivresse à tous les étages. Prétexte à la noix. Histoire d’une petite fleur.
On frise le roman à l’eau de rose, on voudrait nous aussi chanter la vie en rose, la voir en rose, couleur incarnée, plus passante que passée, couleur affichée du temps de VLT. Ne dit-on pas : « Il n’est si belle rose qui ne devienne gratte-cul ».

Conte érotique. Lecture à haute voix. Objet unique livre/CD. Ecriture gourmande qui plonge un doigt dans quelques clichés et se pourlèche d’images sucrées fantaisies au goût du jour. Une voix qui raconte un intemporel masqué derrière « il était une fois ». Narratrice diseuse de bonne aventure, Circé l’ensorceleuse, vampe fébrile, petite fée jouisseuse, maladie d’aimer, le thermomètre en perd son mercure. Il y a des moments où le rose est bel et bien ce rouge à l’outrance dessaturée, qui pleure dans un lait de fraise. Mais avant, dessins érotiques elliptiques. Crayons. Gris. Pudeur de l’impudique. En série. Tout petits corps enchevêtrés perdus dans l’immense blanc que la page de papier exhale.
Enfin VLT jardinière et entomologiste. Et quoi d’autre la prochaine fois.

Une ancienne galerie tristoune, est transformée en mini prairie. Vocabulaire et dispositif touffus : gazon, lavande, terre, caisses, documentation, système d’irrigation pour l’arrosage, automatisation prévu pour l’éclairage diurne. Importation d’un écosystème et d’un biotope. Voilà le lit/nid de quantités de lucioles. Dans les ruelles sombres de la Vieille Ville, quand la nuit vacille entre chien et loup, les minuscules clignotants s’allument. Le regard peut alors se laisser guider. Les passants lèchent les vitrines pour voir le mystère de la nuit parsemée de petites étoiles. On les avait oubliées. Celles qui éclairaient les nuits de notre enfance derrière les lignes de béton. On les capturait dans des boîtes d’allumettes perforées. Du temps où l’on pouvait errer dans la périphérie et se perdre. Avant les banlieues chics ou pas, les routes pour autos et les voies privées. Campagnes déflorées. Et le soir, VLT part avec son épuisette à la chasse aux lumières dans les prés survivants. Renouveler l’élevage. Avant de s’éteindre la luciole se réincarne. Sans nostalgie.

Il y a un goût de l’ordre dans ce foisonnement. Une réorganisation. Faire, défaire, refaire, parfaire. Dans la durée. Il y a dans cet hypercontrôle d’une situation, la place pour l’enchantement, le hasard de l’émotion. Poser. Se poser. Reposer. Déposer armes. Les choses de cet univers parlent sans bavardage. D’ailleurs on se passe très bien d’un texte qui parle de son œuvre. On met un point final au texte. Alors que le travail en cours ne manie que la virgule et la parenthèse.

Sophie Braganti,Nice le jour du poisson. Avril 2010

Les artistes et les expos : Suivre une luciole (Virginie Le Touze) par Sophie Braganti
Accéder au travail de Virgine Le Touze
mis en ligne le 11/05/2010
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