Les artistes et les expos

quand l'art renoue avec la littérature

Jeanne Berger s’entretient
avec Gérard-Georges Lemaire en mai 2010

Jeanne Berger : Vous avez la curieuse tendance d’organiser des expositions qui associe des écrivains à la création contemporaine. D’où vous est venue cette inclination ?

Gérard-Georges Lemaire : Ce sont les deux pôles de mon existences, les deux sphères où j’aime évoluer. Non pas que je dédaigne la musique (loin s’en faut), ni la danse, ni le théâtre, mais ce sont les seuls domaines où je me retrouve tel qu’en moi-même.
Et puis le hasard a joué. En 2002, Frédéric Mitterrand m’avait demandé d’organiser une exposition sur Franz Kafka à l’occasion de la saison tchèque. Ce devait être au départ une manifestation de caractère historique. Puis les différents aléas de l’affaire m’ont conduit à travailler avec des artistes d’aujourd’hui, avec une partie historique réduite dans la salle du bas. Cette exposition a été ensuite présentée dans divers lieux : Orléans, Beaugency, quatre lieux du Sud-Ouest puis, en ce moment, au Centre d’Art Contemporain Eugène Beaudouin à Antony.
Le succès de cette manifestation a toujours été surprenant. Peut-être parce que j’ai voulu concilier deux exigences a priori contradictoires : d’un côté, réaliser une exposition d’art contemporain en tant que telle, de l’autre, rendre l’existence, les ?uvres et la pensée de l’écrivain pragois compréhensible à travaux les travaux de créateurs d’origines diverses.
Cela m’a conduit à proposer ou de me voir proposer d’autres événements du même genre. C’est le cas à l’heure actuelle à l’Opéra / Scène nationale de Nantes et d’Angers : cette institution a choisi de monter un opéra de Leo Janacek, L’Affaire Makropoulos. L’idée nous est venue de présenter une exposition avec un petit groupe d’artistes (Sergio Birga, Anne Gorouben, Denise et Claude Jeanmart, Nathalie du Pasquier et Catherine Lopès-Curval), qui ont réalisé des dessins, des gouaches et un film vidéo à partir des ouvrages de l’écrivain : le Météore, R. U. R., la Vie ordinaire et, pour la vidéo, une nouvelle, « la Cartomancienne».

J. B. : Comment travaillez-vous avec ces artistes ?

G.-G. L. : Ce sont en général des commandes. Ce fut le cas pour Kafka dès le début à une seule exception : Sergio Birga avait réalisé dans les années soixante-dix un portfolio de xylographies à parties des livres de cet auteur. Parfois je donne des indications aux artistes, ou des conseils – c’était le cas, par exemple, de Valerio Cugia à qui j’avais demandé de faire une série de portrait de la famille de Kafka. Ils me demandent quelques fois des conseils ou me même un sujet, comme cela s’est avéré avec Vladimir Skoda (je lui avais trouvé un passage du Journal où Kafka racontait un rêve : il avait l’impression qu’une boule géante roulait dans le grenier au-dessus de son lit !). Mais je n’influe jamais sur leur travail proprement dit : tout ce qui concerne l’art pictural, sculptural, cinématographique et encore plus les installation, reste leur affaire. Toutefois, j’ai eu le plus souvent de magnifiques surprises, avec le polyptique de Gianni Burattoni.



Franz Kafka : devant la Loi,
Espace Eugène Beaudouin,
Antony, jusqu’au 4 juillet.


Karel Capek,
Théâtre Graslin à Nantes
jusqu’au 6 juin,
Théâtre Le Quai à Angers
du 13 au 15 juin.

mis en ligne le 11/07/2010
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