Esthétique
La nouvelle forme, une expression du geste religieux dans l'œuvre d'art

par Muthafar.M. Alobaidy

À l'occasion de l'exposition de Henry Moore
au Tate Britain à Londres - février - aout 2010

mis en ligne le 11/07/2010

      L'intégration de la forme du vide dans la construction iconique produit-elle l'effet principal du geste et de la représentation ? La religion chrétienne possède en effet toute une gestuelle significative, qui a d'ailleurs été souvent reprise dans l'iconographie picturale ou sculpturale. Il s'agit notamment de gestes avec les doigts de la main, puisés dans l'iconographie byzantine. Ce geste, Moore le réduit à l'essentiel et le stylise dans deux œuvres, en premier lieu Trois Pointes réalisée en 1939-40. Avant cette période, il a principalement travaillé sur la forme du coquillage et ses développements. Ces recherches sont mises au service d'une réalisation qui porte des témoignages religieux chrétiens à une époque où l'Angleterre est touchée par les bouleversements de la seconde guerre mondiale. Dans cette œuvre Trois pointes représentative d'un retour vers le religieux, figurent la sainte Trinité, fondement de la religion chrétienne. Le vide est une représentation de la lumière dans laquelle les pointes se rassemblent pour construire une unité de l'esprit. Leur signification est basée sur le geste de la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, ce dernier ayant été rajouté en 381 à Constantinople. La rencontre de chaque pointe dépasse le signe répétitif des icônes classiques : leur construction montre à la fois l'indépendance de chaque élément par le vide (lumière) dans lequel ils habitent, et leur unité non séparable au titre de la Trinité qu'ils forment.

      La construction de la forme du vide ne réduit pas la visibilité du plein mais elle inscrit les pointes chacune comme un index qui en désigne un autre dans le vide. Le vide et les trois pointes sont des signes qui construisent précisément le geste représentatif du christianisme. En fait, Moore a particulièrement insisté sur le fait que les positionnements des extrémités des trois pointes sont à peine séparés : "En 1940, j'ai fait cette sculpture à trois pointes, car il y a une action émotive et physique en elle; les pointes sont sur le point de se toucher, mais ne se touchent pas". C'est-à-dire que les pointes convergent vers le même endroit, un centre de vide sacré, mais les pointes restent distinctes l'une de l'autre. De la même façon, la trinité vise à l’unité, mais reste les trois éléments distincts. La forme du vide dans lequel les éléments pleins baignent peut être considérée comme le lieu d'une lumière sacrée. La vide représente la lumière et son passage, qui est déterminée par la création sculptural. L'étude du vide, son rôle, sa détermination et sa signification dans l'œuvre, précède l'étude de l'opacité et de la lumière d'un point de vue plastique et esthétique. La structure de la base qui soutient les pointes et accueille le vide au milieu de leur verticalité fait penser à l'ouverture d'une fleur : le vide enrichit la rectitude oblique dressée depuis la base sculpturale qui évoque le volume d'un coquillage déformé ou d'un bénitier d'église. La forme du vide est un signe de lumière qui fonctionne de la même façon qu'une porte ouvre ses deux battants pour livrer le passage à la lumière symbole de la prière. Ce vide entre les éléments est comme la qualité de la mesure de la prière et de la foi. Le vide représente aussi le lieu privé entre les éléments de la trinité et rappelle en même temps le lieu privé intérieur de chaque personne qui pratique ce geste de croix.

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