Les artistes et les expos
En lisant les leçons de ténèbres
de Patrizia Patrizia Runfola :
la célébration de Beaugency
par Justine Lacoste
      Il jouxte les grands papiers de Bernard Lacombe. Ce dernier, avec une superbe dextérité, a choisi de s’attacher aux grands peintres dont parle Patrizia Runfola (elle discourt aussi bien sur Rembrandt que sur Vermeer) et a peint deux portraits d’elle qui exprime de fulgurantes et blessantes pensées. Il jouxte un grand diptyque d’Anne Gorouben, qui exprime toute la douleur du destin de l’héroïne du livre. Cette composition est émaillée de fragments de textes qui servent de boîtes de résonance du sens privilégié par la peinture. Celle a également réalisé deux séries de dessins à la mine de plomb qui sont accompagnés par de larges citations recopiées à la main.

Ce travail est bouleversant car il est profond et intense. Il s’insinue avec la plus grande subtilité dans les méandres de la narration, qui dissimule tant de secrets et non-dits. Enfin, dans l’abside, qui est comme une alcôve, une grande vitrine ancienne permet de regarder dans son entier un livre en accordéon d’Olivier de Champris, Il a réécrit les Leçons de ténèbres par son écriture plastique nerveuse et décantée et son ouvrage est saisissant. A côté, il a accroché une longue bande de carton peint qui se termine par le Christ en croix – les représentations religieuses pullulant dans les chapitres se déroulant dans une Prague baroque fantasmée. Avant de quitter cette partie du bâtiment, deux petits tableaux de Valerio Cugia, avec des dominantes vertes et blues, expriment avec délicatesse des moments de méditation du livre. Là encore, le fait que Cugia soit un peintre figuratif peut égarer notre lecture de ses travaux : il a condensé la substantifique moelle de ces instants livresques et ne les a pas simplement transposés avec application. Tout se joue dans les applications de la touche et le rendu de la scène réélaborée.

      Dans le chœur, je tombe sur la gauche sur une photographie d’Esther Segal. Cette photographie ne révèle pas tout de suite sa nature. Dommage que cette artiste si douée n’ait fait qu’une seule œuvre : une série de clichés en noir et blanc de cette nature aurait constitué un ensemble puissant. Sa composition est néanmoins précieuse par la finesse des éléments qu’elle rassemble et module. Elle nous fait part de ses intentions : « Ce qui m'avait attiré, car il s'agit d'attirance lorsque l'on découvre cet étrange livre pour la première fois, c'est l'absence de repères qui nous entraîne vers un univers "limbé" de mots. On semble être sur une passerelle où le "je" n'est jamais chaque fois le même.  Ainsi, tout comme "l'homme de sable" de Freud, au fil des pages, on découvre "une femme des sables", qui parcoure un monde onirique et pudique. C'est cette atmosphère particulière, tant au niveau de l'écriture que de l'histoire que j'ai tenté d'exprimer photographiquement. »

Les artistes et les expos : En lisant les leçons de ténèbres de Patrizia Patrizia Runfola : la célébration de Beaugency par Justine Lacoste

mis en ligne le 14/01/2011
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