Dossier Bruno Macé Original ? par Bruno Macé

Dossier Bruno Macé
Original ?
par Bruno Macé
Le fétichisme ne date pas d'aujourd'hui : avec les "vrais" mor ceaux de la Croix du Christ vendus au Moyen-âge, on aurait pu reconstruire l'arche de Noé! La course à l'Original en matière de peinture est une lubie peut-être plus récente. Au XVIIème, on était assez friand de copies pourvu qu'elles soient d'une bonne main. Ce fut une des raisons des voya ges des artistes français à Rome. Mais la copie n'est pas strictement semblable à l'original me direz-vous ! Jusqu'à ce jour, oui. Chardin, qui faisait lui-même ses copies, n'y mettait pas le soin (ni le temps) consacrés à ses originaux et cela se voit ! Au Louvre, on "contrôle" les copistes trop talentueux en interdisant la reproduction à la même échelle. Frédérico Zeri, grand découvreur de chefs-d'oeuvres perdus ou mal attribués, préférait travailler sur des reproductions N&B pour éviter la trahison de la reproduction couleurs. Cependant, les moyens de reproductions graphiques permettent, depuis peu, de reproduire, quasi à l'identique, un tableau, nous confrontant soudainement à notre rapport à l'oeuvre.Si on ajoute à cela que beaucoup d'oeuvres ne sont connues qu'à travers la reproduction qui trahit le rapport à l'échelle du tableau : Bacon ne voudra jamais rentrer dans la Galería Doria Pamphili à Rome pour y voir le portrait d'Innocent III de Vélasquez qui est, pourtant, le thème de plusieurs de ses tableaux ; les Noces de Cana sur une feuille A4 ne créent pas le choc des 70 mètres carrés de l'original !...
Quelle différence pour le Japonais revenu à Tokyo d'avoir été photographié devant la vraie Joconde ou devant sa copie ? Si ce n'est de le savoir, me direz-vous! Et d’être, in fine, venu voir la matrice de toutes les reproductions déjà croisées. En matière d’original, la récente découverte de la « première » version du Marat de David alimente le sujet déjà riche des multiples versions peintes par David, ses élèves et d’autres. L’œuvre n’est-elle pas dans ce premier jet ? David, lui-même, ne fait-il pas œuvre de copiste, même s’il modifie ce premier jet, en le reportant au carreau sur le tableau de Bruxelles ?! Vaste débat dont le seul intérêt, et c’est bien le but de mon intervention, est de nous amener à regarder l’œuvre « au plus près » !

C'est là tout l'objet de cette intervention : nous interroger sur notre rapport à l'œuvre sous toutes ses formes.

Mon projet, décrit ci-dessous, à l’heure où est réédité le petit livre de Walter Benjamin paru en 1936 !! L’œuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité, me semble pertinent, plutôt qu’impertinent.  Quelques pistes de réflexion soulevées par mon projet : Qu’est-ce qu’une oeuvre ? Quelle différence entre La Joconde de Léonard de Vinci et une parfaite réplique ? L’authenticité ? Mais l’authenticité n’est elle pas notre fantasme de nous relier au passé et de croire, par là, à une continuité des choses, à une permanence, alors que, comme dit le moine zen, le verre est déjà cassé ?

mis en ligne le 14/01/2011
pages 1 / 2
suite >
 
action d'éclat