Biographie

Léo the last !

par Thierry Laurent

mis en ligne le 21/04/2011

L’ouvrage intitulé tout simplement « Leo Castelli  et les siens » est un petit chef d’œuvre autant d’érudition que de suspense. Le sujet n’est autre que la vie mouvementée entre l’Europe et les Etats-Unis du plus grand marchand d’art de la seconde moitié du vingtième siècle.

Rien ne prédisposait ce natif de la ville de Trieste, né dans les années qui précèdent la première guerre mondiale, à faire découvrir cinquante ans plus tard sur les cimaises de Manhattan les œuvres phares de l’art américain, celles de Jasper Johns, de Robert Rauschenberg ou d’Andy Warhol.
Le succès de Léo Castelli est davantage le résultat des caprices d’un destin à rebondissements, le verdict d’une fatalité chaotique, que celui d’un plan de carrière réfléchi et opiniâtre.

Trieste est une ville autrichienne lorsque vient au monde le jeune Léo. Du côté de sa mère, les Castelli sont originaires de Monte San Savino, une bourgade commerçante de l’Italie centrale. Son père est en revanche issu d’une riche lignée hongroise, et occupera une position enviée de banquier d’affaires qui assurera à la famille un train de vie aisé, celui de la grande bourgeoisie juive, cosmopolite et polyglotte, férue d’art, particulièrement ancrée dans cette vieille monarchie austro-hongroise imprégnée de tolérance ethnique.
L’Europe d’avant 1914 est une terre d’échanges, de voyages et de mondanités, elle est le terreau où prospèrent les avant-gardes littéraires et artistiques.
Pendant le premier conflit mondial, Le jeune Léo ira en classe dans cette Vienne déclinante qui demeure encore le centre culturel de la Mittelleuropa, terminera son adolescence à Trieste devenue italienne, pour occuper finalement, après des études de droit, un poste aux assurances Generali de la ville de Bucarest.

Léo n’en demeure pas moins un dilettante, amateur de ski et d’alpinisme, un homme du monde qui porte beau, au charme avéré, et qui s’intéresse davantage à la littérature, lue dans toutes les langues, qu’aux arguties du droit.

Le destin du futur marchand va se décider lorsqu’il épouse l’héritière d’une grande fortune juive de Bucarest, la belle, sophistiquée, élégante et riche Ileana, la fille d’un magnat de l’industrie, Mihai Shapira. Car l’homme d’affaires a le génie d’anticiper les dangers de la montée du fascisme en Italie, et surtout des lois anti- juives consécutives à l’avènement d’Hitler. Mihai investit ses avoirs en Amérique et décide- non sans difficulté- de transporter toute sa famille, gendre compris, sur la Riviera française, avant d’embarquer in extremis à Marseille pour la côte est de Etats-Unis. Bref, le jeune Léo, marié, débarque à New York le 12 mars 1941 dans les bagages de sa belle famille.

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action d'éclat
LEO CASTELLI ET LES SIENS par Annie Cohen-Solal Ed Gallimard