Dossier Nathalie Du Pasquier

Nathalie Du Pasquier,
Des ensembles faits des fragments d’un même monde

par Jean-Luc Chalumeau

Le contraire des antiques machines à coudre Singer par exemple, certes peintes en noir, mais ensuite agrémentées de fleurs et volutes d’or soigneusement tracées à la main ! Les objets choisis par l’artiste sont par ailleurs parfaitement ordinaires : ils n’ont pas été sélectionnés en raison d’une beauté intrinsèque.

Nous en venons à nous dire que la différence entre les objets usuels et ceux que nous présente Nathalie Du Pasquier tient à l’absence de présence humaine dans les premiers et à l’intense personnalisation des seconds. Dans l’objet usuel, la forme dit qu’il est fabriqué, mais ne dit rien du fabricant. Or l’objet esthétique conçu par l’artiste n’explique rien quant à lui, mais il montre l’auteur. D’ailleurs, il arrive à Nathalie Du Pasquier de rompre toute relation formelle avec le monde des objets usuels : White cabin n° 2 (2011), par exemple, nous apparaît comme un objet qui ne nous parle que de lui-même en même temps qu’il nous instruit de l’auteur. Dans ses ruptures de proportions, dans l’inimitable et facétieux agencement des formes qui le composent (et qui constituent un « ensemble ») nous reconnaissons l’univers spécifique de l’artiste avec, en particulier, sa manière si profondément originale d’introduire de l’humour – son humour – dans l’agencement de modules géométriques simples. Ici, ce n’est nullement la biographie qui nous informe sur l’auteur, mais c’est plutôt l’œuvre, et nous sentons que la biographie de Nathalie Du Pasquier ne pourra éventuellement nous instruire que si elle a d’abord été elle même en quelque sorte « instruite » par l’œuvre.

Nous en arrivons ainsi à l’essentiel : c’est-à-dire le style. La différence entre l’objet esthétique et l’objet usuel est comparable à celle qui oppose les deux fonctions du langage : la transmission d’une signification impersonnelle et l’expression d’une personne. Dans ce dernier cas, il y a activité organisatrice refusant les hasards et recherchant la « composition satisfaisante », comme dit Nathalie Du Pasquier. En maîtrisant ses ensembles, elle accède au style, qu’il faut distinguer du métier. Sans doute tout art est-il d’abord métier, mais un métier qui permet à l’auteur de s’exprimer et d’être lui-même. Nathalie Du Pasquier « prépare » ses éléments, elle les « organise » : il y a préméditation de l’œuvre, mais pour mieux livrer finalement la spontanéité humaine. Devant tout ensemble ou tout tableau de cette artiste, nous discernons une certaine relation au monde du créateur qui existe par cette création, parce qu’il l’a vécue bien plus qu’il ne l’a suscitée.

mis en ligne le 01/09/2011
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