Dossier Nathalie Du Pasquier
De la nature morte et de ses avatars
considérations sur les menées de Nathalie Du Pasquier

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 01/09/2011

Les œuvres de Nathalie Du Pasquier nous parlent, mais elles ne nous parlent de rien de ce que la peinture nous avait parlé jusqu’alors. Ses vanités sont dépourvues de vanité. Elles ignorent leurs ancêtres – enfin, pas au point de ne pas en soutirer plusieurs ingrédients. En tout cas, elles n’ouvrent pas d’horizons transcendantaux, ni ne délivrent de message moral ou religieux. Elles nous parlent de notre relation au présent. Elles nous parlent de la réification. Elles nous laissent en tête à tête avec ce que nous voyons jour après jour et que nous ne regardons plus vraiment. Elle engendre de la beauté à partir de ce que nous considérons comme étant neutre, indifférent ou plutôt laid et donc désagréable. Elle rend fréquentable l’infréquentable de notre vie commune.

Et elle fait plus que cela. Elle nous entraine dans un jeu d’associations spéculaires qui métamorphose le réel. Elle nous oblige à nous interroger sur le monde où nous vivons et sur la façon que nous avons de dénaturer tout alors qu’on tresse des couronnes de laurier aux créateurs qui tentent, eux, de rendre le quotidien plus attrayant, désirable et ludique. Peut-être que son passé dans le domaine des arts appliqués (qu’elle n’a pas renié) l’a conduite à prendre le contre-pied de ce qu’elle a pu accomplir au sein de l’officine Memphis. En élisant les objets les plus pratiques et les plus méprisés, elle est capable de proposer une autre intelligence de ce qui est notre lot dans les sociétés avancées : sans doute est-ce l’amorce d’un questionnement sur ce qui a droit de cité et de ce qui ne l’a pas. Au-delà des rebuts pléthoriques du Nouveau Réalisme, elle conserve avec soin ce qui n’a d’autre destin que d’être utile et pousse jusqu’au bout le raisonnement du fonctionnalisme. Ce qui est utile n’est pas devenu le plus enviable sur le plan de l’esthétique, au contraire. Le vieux rêve du Bauhaus n’a eu de consistance que dans des galeries très chic, chez quelques collectionneurs et dans les musées les plus réputés du monde. Aussi se déplace-t-elle sur cette ligne de partage qui est la source de tant de débats et de mille rivalités théoriques. Elle nous maintient dans une sérieuse ambiguïté : entre ce que le tableau dévoile et les pièces constituant son contenu.

C’est ainsi qu’on s’aperçoit que son art est plus savant qu’il ne semble, sans avoir la plus petite ambition conceptuelle – du moins dans son exécution. C’est un art qui trouble et dérange, plaît et dérange à la fois car comment ce bidon vert à la forme ridicule peut-il vraiment nous plaire ?

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