Les artistes et les expos
Baselitz, un sculpteur monumental
par Marie-Noëlle Doutreix
mis en ligne le 28/12/2011

Alors que les dix premières années de sculpture de Baselitz, d’environ 1980 à 1990 ont été essentiellement marquées par les « têtes » et les « figures debout », les années 90 ont mis en lumière le goût de l’artiste pour le fragment. Réutilisant à cette fin son affinité pour l’asymétrie, Baselitz taille des morceaux de corps humain comme par exemple en 1993 « Männlicher Torso », « Torse masculin ». Il récupère de plus le rouge et les volumes pour jouer sur la sexualité de ces figures. Le buste est ici féminin s’opposant au titre de l’œuvre. Dans un tout autre style, le fragment demeure par la suite dans ses préoccupations avec en 2003 « Pace Piece », jambe en bois d ‘environ un mètre soixante.
Autre grande innovation plastique de Baselitz de ces années 1990, l’apparition du tissu comme enveloppe des sculptures. Essentiellement quadrillés dans des nuances foncées de bleu et de rouge, ces tissus standardisés semblent gainer les sculptures tels une seconde peau asphyxiante. Mettant en valeur les contours rustres et les silhouettes singulières, le tissu, en dissimulant les coups de hache, rend la forme plus lisible et impressionnante. Les yeux deviennent ainsi des orbites effrayantes et la bouche un cri étouffé comme dans l’œuvre « Blauer Torso », « Torse plus bleu ».
Dans les années 2000 la monumentalité se mue en gigantisme avec des figures dépassant les trois mètres de hauteur. Le sérieux rendu par la gravité des visages, leur « réalisme » nouveau et les références au thème des vanités -montre réglée à minuit moins cinq, crâne, et viatique- contrastent avec des éléments grotesques. En effet, la casquette avec l’inscription « zéro », celle avec le signe marin, les shorts de bain, les immenses chaussures à talonnettes ou encore les titres inconséquents « Meine neue Mütze », « Ma nouvelle casquette », tournent en dérision la fausse gravité des figures et leur donnent un côté absurde.

Baselitz  nous amène donc à un paradoxe : celui de la volonté plastique de transparence massive rappelant l’authenticité, dans un monde artistique et médiatique contemporain assailli d’images, associée à une herméticité du sens où l’incompréhension monumentale devient œuvre d’art.

Marie-Noëlle Doutreix

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action d'éclat

Retour sur l’exposition au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacrée jusqu’au 29 janvier 2012 aux sculptures de Baselitz

Les artistes et les expos : Baselitz, un sculpteur monumental par Marie-Noëlle Doutreix