Dossier Groborne
Quelques mots échangés avec Robert Groborne le 15 octobre 2011

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 28/12/2011
Qu’avez-vous peint après le choc suprématiste ?
C’était très géométrique et les tableaux étaient constitués de vides et de pleins. Il était impératif que je rebondisse car j’avais atteint un fond. Cela a dû devenir beaucoup plus chargé. Ce genre de réaction est survenu très souvent. Je me dirigeais, si je peux dire, vers le maximum du minimum, et j’avais besoin dès lors de repartir pour faire quelque chose de nouveau. Par exemple, le projet de sculpture que j’ai montré au musée de Rennes en 1982 consistait en une série de soixante dix dessins : je voulais faire une sculpture, mais je n’avais pas d’argent pour l’entreprendre ; alors j’ai fait des dessins. J’aurais pu m’arrêter au troisième. Je me suis rendu compte, à posteriori, qu’à partir du quatrième dessin, je commençais à compliquer. Parvenu au soixantième, je piétinais. Le but n'était pas atteint. On sait que le but est atteint que lorsqu'on y est arrivé. Ç'est un peu paradoxal, et pourtant... Nous travaillons souvent en aveugle. Après cette série très minimaliste dans laquelle le vide avait une grande importance, j’ai éprouvé le besoin de remplir la feuille. C’est ainsi que j’ai fait une grande série de dessins à l'encre de Chine travaillée au pinceau. Du blanc, je suis passé du jour au lendemain au noir allant à l’encontre de ce que j’étais porté à faire auparavant. Ce fut très radical, mais je l’ai fait souvent. Quand je touche un fond, il me faut donner un nouvel élan pour reprendre ma course.

Quand nous sommes connus, vous n’étiez pas du tout dans le noir, mais dans le blanc jusqu’au cou !
C’était même peut-être avant le blanc. J’ai travaillé avec du sable sur des reliefs. Vous allez me demander : pourquoi le blanc ? Je me rendais compte qu’avec les reliefs j’utilisais des couleurs qui étaient très proches les unes des autres. Ce n’était pas un art de coloriste, même si les couleurs étaient relativement sophistiquées. Un beau jour, je me suis dit que cela ne servait en rien mon propos et je me suis mis à peindre exclusivement en blanc pour me concentrer sur les reliefs. J’utilisais alors de l’acrylique à la place de l’huile (qui jaunit à l'ombre): je souhaitais un blanc un peu satiné, pur. J’avais exposé avec René Guiffrey (vous aviez écrit quelque chose à ce sujet) qui, lui, peignait à l’huile. Nous voulions montrer nos différences dans l’usage du blanc. Nous avions tout le deux l’envie de tendre vers le blanc radical. Ce qui nous séparait était plutôt le relief que je modulais, le sien étant plus géométrique. Pour moi, je trouvais que c’était du bavardage de poser sur la toile des couleurs un peu rabattues. Cela ne servait à rien. Cette relation intime avec le blanc a duré longtemps. Et vint le noir. Je ne sais plus pourquoi... Oui, je sais. Après cette suite de dessins à l'encre de Chine j'ai fait des reliefs, formes découpées peintes en noir. Je recherchais la lumière dans le noir, parce que le noir absorbe toutes les couleurs et dévore la lumière.

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