Dossier Groborne
En compagnie de Robert Groborne

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 28/12/2011
Je traversai la via Moscova sans trop me soucier des feux et me retrouvai près de chez moi. Des tableaux blancs que j’avais vus il y a bien longtemps me revinrent à la mémoire. Je l’avais connu quand il explorait les ressources de cette couleur et, quand je l’ai revu, bien des années plus tard, il était aux prises avec le noir. Cette idée me plaisait bien ! Je me suis dit qu’il aimait les extrêmes. Mais je n’en tirais aucune conclusion.

Une fois rentré chez moi, je m’employais à chercher le catalogue qu’il m’avait offert autrefois. Comme de coutume, je ne parvins pas à remettre la main dessus. C’était une sorte de rite infernal : il suffisait que je me mette en tête un catalogue ou un livre pour qu’il échappe à mes investigations ! J’étais abattu et furieux contre moi. Je tentais de faire jouer les rouages rouillés de ma mémoire. Je reconstituais certaines de ses œuvres dans ma mémoire. Où étais-je en train de les imaginer ?

J’avais vu récemment deux toiles de lui, des toiles récentes, qui n’avaient que quelques mois d’existence, et deux dessins qui leur étaient intimement liés. Je n’avais pas compris pourquoi Robert Groborne continuait à ne pas donner de titre à ses œuvres. C’était là une habitude prise à l’époque de l’Hard Edge Painting aux Etats-Unis (Frank Stella en tête), reprise par les minimalistes et adoptée ensuite sur le Vieux Continent. Mais, quand j’ai visité son atelier parisien par une journée saturée de nuages grisonnants (il se trouve au fond d’une cour, dans un quartier populaire et il se présente comme un artisan, tel qu’on pouvait en voir il y a un demi-siècle, avec une sorte de blouse grise), j’ai alors revu mon jugement. Bien sûr, l’absence de titre est un défi lancé à la mémoire du visiteur, car décrire ce qu’il avait accompli dans son antre était une véritable gageure. Mais donner un titre serait peut-être révéler des intentions qu’il ne tenait pas à rendre évident. Son œuvre se postulait dans une ambiguïté savamment calculée. Mais c’est une histoire secondaire.

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