Dossier Claude Jeanmart
À l'aveugle

par Gérard-Georges Lemaire

mis en ligne le 18/04/2012

II

Tout au long de ces dernières années, Claude Jeanmart n’a cessé d’élargir le champ de sa recherche. L’étape la plus fondamentale est sans nul doute le recours aux ressources de l’électronique. L’ordinateur permet tout, ou presque, à qui sait l’utiliser. Mais il n’a pas renoncé un instant à ses anciennes amours, je veux parler du tableau ou des compositions sur papier.
       J’en prends pour exemple les très grandes toiles libres réalisées pour l’exposition consacrée à Kafka et qui avait été présentée à l’abbaye de Beaulieu. Ces œuvres monumentales sont la manifestation d’une nouvelle conception stylistique : les éléments figuratifs semblent déboîtés, un peu de guingois, avec quelque chose de l’expressionnisme allemand, mais avec une gamme chromatique forte, mais avec cette retenue si française. Mais cela n’exclut pas des intensités très fortes – des bleus, des verts, en particulier. Ces toiles ne sont pas descriptives. Elles ouvrent un champ avec des éléments qui permet de recomposer, par le regard, mais surtout par la force de l’esprit, le sujet supposé.
       Je songe également au cycle de neuf papiers de relativement grandes dimensions qu’il a réalisé pour l’Opéra de Nantes à l’occasion des représentations de l’Affaire Makropoulos de Léos Janacek, d’après une pièce de Karel Capek. Il a choisi d’illustrer un roman de l’écrivain tchèque, Hordubal. Mais le terme d’ « illustration » doit être relativisé, car il risque de prêter à confusion. Disons plutôt que l’artiste met en scène comme le ferait par exemple un décorateur de théâtre un moment de la narration, mais ce support narratif lui sert à imaginer un espace très théâtralisé, où il inscrit son univers intime. En somme, la littérature lui fait office de suppôt. Et elle lui fournit des opportunités sans fin pour engager une composition originale. Au fond, il ne fait que s’imposer des règles, pour ne plus en avoir et ne jamais sombrer dans la répétition.

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