Dossier Claude Jeanmart
Marc Sagaert s'entretient avec Claude Jeanmart : questionner l'humain
par Marc Sagaert et Claude Jeanmart
mis en ligne le 18/04/2012

J’utilise l’ordinateur depuis 1979, ainsi que la photosérigraphie, la vidéo, sans négliger le dessin. Il se trouve qu’aujourd’hui, je commence à être reconnu, dans les milieux artistiques, comme étant novateur, à la croisée de la photo, du récit en images, voir même de la bande dessinée Ceci déconcerte plus en France qu’en Allemagne, ou qu’en Espagne, où j’expose principalement depuis quelques années. Parce que je ne cherche pas à m’inscrire dans un courant artistique, j’ai le plus de chance, me semble t-il, d’être identifié comme étant de mon temps. Eberding disait : « celui qui épouse l’air de son temps, s’expose à être veuf rapidement ».

La technique, la composition sont effectivement des éléments fondamentaux de votre travail : peintures sur papier, photomontages numériques, acryliques sur toile, collages, diorama, films, vous utilisez tous les média mis à votre disposition pour la création d'une œuvre diverse, foisonnante, passionnante, ne parlez-vous pas vous-même d'une « frénétique chasse aux images » ? Cette boulimie créatrice correspond-t-elle chez vous à une urgence? A une mise en abîme du temps et de ses contretemps?

Indéniablement, je ressens l’urgence de la situation. Si le métier d’enseignant m’a beaucoup apporté, tant sur le plan des pratiques, que sur celui des idées, il a néanmoins considérablement réduit le temps que je pouvais consacrer à ma création. Je ne cherche pas à rattraper un temps qui serait perdu, mais plutôt à utiliser au mieux le temps dont je dispose, le temps de la maturation, de la rapidité, de la synthèse des savoirs faire accumulés et des innovations. C’est ainsi que ce que j’éprouve à la lecture des textes de Kafka, active mon imaginaire et me révèle quels procédés mettre en œuvre. Je ne cherche pas à faire preuve de virtuosité, mais je recherche et préfère ce qui est suggéré, enfoui, malaxé dans différentes matières, pour que le sens apparaisse, tandis qu’on oublie la manière. Le sentiment du temps qui passe, m’incite à élaguer ce qui n’est plus indispensable. J’ai trouvé dans ce travail sur Kafka, une voie qui ne se referme pas, et qui m’ouvre à tout instant de nouvelles directions. Mais ce qui reste unique chez Kafka, c’est son écriture qui ne situe, ni ne date le moindre événement. Il est d’hier historiquement, mais il est aussi de demain par sa lucidité et par sa simplicité implacable. Son écriture aussi est faite d’urgence.

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