Dossier Claude Jeanmart
Questionner l'humain Entretien avec Claude Jeanmart
par Daphné Brottet
mis en ligne le 18/04/2012

Vous développez un travail graphique, pictural et vidéo très hétérogène tant formellement qu'intellectuellement depuis plusieurs années.
Après une courte visite d'atelier, j'ai été plus sensible à Kafka, récits inachevés, (photomontage retravaillé à l'aide de logiciels informatiques). La technique bien que parfaitement maîtrisée apparaît plus discrètement que dans vos vidéos et laisse entrevoir un univers onirique, ouvert, personnel, inventif et peut-être plus risqué.
Comment appréhendez-vous cette pratique issue de la photographie et retravaillée avec ces outils informatiques?

Je ne pense pas que mon travail soit aussi hétérogène qu’il y paraît. Je dirais plutôt qu’il est multiple dans le maniement de procédés plastiques différents. J’ai toujours été très réservé à l’égard des artistes « mono maniaques », qui font à vie, la même chose, car c’est là leur signalétique. Utiliser alternativement ou conjointement différents procédés plastiques, n’a jamais posé problème aux artistes qui nous ont précédés. On sait combien Picasso ne s’est pas gêné, pour « toucher » à tout. Il est vrai que dans le contexte actuel, beaucoup d’artistes sont poussés à « prendre date », à être les premiers à avoir fait, et le commerce qui les accompagne, en tire grand bénéfice. Ce n’est pas mon choix, et je me méfie de tout ce qui est à la mode. Comme le dit Eberding, metteur en scène de théâtre, « celui qui épouse l’air du temps, s’expose à être veuf rapidement ».
Cependant, mon travail manque-t-il d’unité, est-il intellectuellement hétérogène ?

Dans mon travail j’opère souvent par des allers retours entre peinture, dessin et vidéo. Par le passé, il y a eu des décalages entre dessin et peinture. Aujourd’hui, peut être que dans mes images numériques, je vais plus loin. Il est vrai qu’à ce jour, je ne connais aucun artiste qui fasse un travail comparable au mien avec les images numériques.
Les Récits Inachevés, de Kafka, m’ont profondément impressionné, comme des films à suspense.
J’ai lu pratiquement tout Kafka, et j’ai ressenti son œuvre comme une écriture indispensable, urgente. En lisant La Colonie Pénitentiaire, Le Procès ou Le Château, je voyais arriver avec regret, les dernières pages de ces textes. J’aurais souhaité une écriture sans fin. C’est donc très concerné par ces écrits que j’ai opté, après bien des essais, pour un procédé réunissant la photographie, le dessin, la mise en scène, l’outil informatique, c’est à dire, une concentration de toutes les techniques déjà utilisées, ensemble ou séparément dans les travaux précédents (« Description d’un Combat, » « Devant la Loi »).

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