Dossier Claude Jeanmart
Une peinture comme une littérature
par Serge Pey
mis en ligne le 18/04/2012

            Ce fut encore une histoire de trains, d’aiguillage et de gares, une histoire de la banalité entre Brest-Litovsk, Berlin puis Ravensbrück. Celle de fantômes qui hantent le train blindé des espérances à l’envers.
     Quand elle arriva dans le camp de Ravensbrück, son histoire fut incomprise par les autres communistes emprisonnés, qui ne pouvaient percevoir dans leur aveuglement, les trahisons de leur espérance. Ici, de nouveau, devant les miradors, une autre prison se dresse construite par ses « camarades de cellule » qui mettent Margarete en quarantaine dans l’éternité de la barbarie.
     Les agents « de la banalité du mal », dont parle Anna Arendt, pullulent des deux cotés des barbelés. Les mouches des « vices ordinaires » qu’évoque Tzvetan Todorov et qui pollinisent le banal sont au rendez-vous.
     C’est dans l'enfer de Ravensbrüch que Margarete Buber-Neuman rencontre, comme dans un miracle à l'envers, Milena Jesenska, la fiancée, l’amour de Franz Kafka, celles des lettres de ses « baisers écrits ».
     La vérité de l’Histoire souvent s'effectue derrière les barbelés. Margarete, qui accompagna dans Milena Jesenska jusqu’à la mort le 17 mai 1944, doit sa motivation et sa survie, à la découverte des récits du Procès  et de « la Colonie pénitentiaire ».
     L’histoire de deux femmes, deux anti statués de résistance, dont la mémoire clandestine affleure sur le sang séché des espérances, est notre histoire. Milena Jesenska et Margarete Buber-Neumann irriguent notre pensée.
     Les corbeaux, ces lettres inconnues des typographes de la mort signent nos pages blanches jusqu’à la neige.
    C'est le procès même de l'homme que peint Claude Jeanmart.
    
La correspondance entre l'intolérance et le couteau de la cuisine, nous renvoie à la partie obscure de l'homme, qui nous envahit chaque jour dans sa nuit. L'espérance : c'est la dénonciation de cette nuit. La lumière est l'intelligence de ce cri. La peinture aussi de Claude Jeanmart aussi.

S. P. 15 janvier 2012.

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